L'Authentique - L’érudit Cheikh Ridha Mohamed Nagi a été convoqué la semaine dernière par la police chargée des crimes économiques et financiers.
Considéré comme le « Madoff mauritanien » pour s’être rendu expert dans le vieux système de Ponzi -cette cavalcade qui a permis à Bernard Madoff de tromper des milliers de financiers-, le Cheikh a été entendu sur plusieurs dossiers contenus dans le Rapport de la Commission d’enquête Parlementaire dite de la « décennie ».
Cheikh Ridha devant la Police ! L’information ne cesse encore d’ébranler le microcosme socio-économique de Nouakchott depuis qu’elle a été diffusée en fin de semaine dernière Considéré comme l’homme le plus populaire du pays pour ses « faits de guerre » réussis dans de vastes opérations d’achats et de ventes de maisons, de terrains et de voitures suivant des transactions à l’issue desquelles des milliers de citoyens lui réclament des dettes estimées à près de 90 milliards d’anciennes ouguiyas, l’homme aurait été entendu, plus précisément, dans un dossier tout aussi brûlant : un prêt de 50 millions de dollars accordé à la société Ennejah, la sienne, par la société nationale industrielle et minière (SNIM).
Le rapport de la Commission d’enquête parlementaire a en effet relevé que l’érudit a obtenu ledit prêt, sans garantie réelle. Depuis, aucun paiement n’aurait été effectué. Il s’est alors agi pour la Police, non seulement, de déterminer les conditions d’attribution dudit prêt mais aussi et surtout de trouver la destination finale des fonds obtenus.
L’occasion a été saisie par la Police d’enquêter sur certaines transactions immobilières menées par le Cheikh auprès de membres influents de la famille de l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz (notamment l’ancienne première dame dont il serait l’un des proches) ; des transactions dont des traces seraient apparues dans des dossiers confisqués par la Police auprès de notaires de Nouakchott.
Si l’information portant sur la convocation du Cheikh a secoué le microcosme socio-économique voire politique de Nouakchott, c’est bien parce que l’homme a marqué le pays : pendant les dix dernières années de la présidence de l’ex-chef d’Etat, l’homme a mené dans une totale impunité des activités immobilières auprès de milliers de familles qu’il a finalement dépossédé de leurs biens immobiliers.
Et malgré les irrégularités évidentes des opérations entreprises, les administrations de l’État n’ont jamais bougé le petit doigt pour mettre fin à ses actes délictueux qui ont fortement impacté sur tous les secteurs de l’économie nationale.
Faillite
C’est en 2018 que Cheikh Aly Ridha bin Mohammed Naj al-Saidi alias Cheikh Ridhaa, le marabout qui avait fait fortune en promettant aux propriétaires de terrains et de maisons d’acquérir leurs biens pour un montant de trois à quatre fois au-dessus du cours normal, a mis la clé sous le paillasson avec un passif de près de 90 milliards d’anciennes ouguiyas (MRO) ou 240 millions de dollars.
A l’achat, les vendeurs percevaient une petite avance, une promesse ou une bénédiction en attendant un reliquat qui ne viendra jamais. Le bien, lui, est immédiatement revendu en dessous du cours normal à travers un réseau de courtiers et d’intermédiaires de tout acabit.
Brusquement, la société (ou plutôt le bureau) du mystérieux homme d’affaires est tombée en faillite, laissant sur le carreaux des centaines de personnes aveuglées par cette naïveté dont ont en partage les chercheurs d’or. Car Cheikh Ridhaa n’a fait recours qu’au vieux système de Ponzi, cette cavalcade qui a permis à Bernard Madoff de tromper des milliers de petits porteurs dans une Bourse organisée.
Mais là où l’américain, condamné le 29 juin 2009 à 150 ans 6 mois après la découverte de son forfait estimé à 65 milliards de dollars , avait usé d’analyses techniques pour amadouer ses victimes, le prédicateur mauritanien, toujours en liberté, avait mis en avant sa dévotion de modeste serviteur de Dieu et d’homme aux pouvoirs mystiques.
Les victimes qui menacent toujours de faire appel jusqu’ à l’ONU espérent que le président, Mohamed Cheikh Ould Ghazouani, serait moins ambigu que son prédécesseur, Mohamed Ould Abdel Aziz, resté de marbre face aux doléances des présumées victimes et s’interdisant, en bon libéral, d’intervenir dans une affaire privée.
En octobre 2019, un tribunal commercial s’est intéressé au dossier déposé par l’un des avocats des plaignants et avait convoqué le prédicateur. L’instance commerciale aurait finalement décidé en juin 2020 de la liquidation judiciaire bureau commercial de Sheikh Ali Rida bin Muhammad Naji al-Saidi sous la conduite d’un juge et d’un syndicat de faillite. Depuis pus rien.
En attendant, ce sont des dizaines de milliers de citoyens qui se sont retrouvés du jour au lendemain dépossédés de leurs maisons. Nombre d’entre eux ne disposant que d’une seule et unique demeure ont été obligés de chercher refuge auprès de proches, en attendant l’apparition d’une lueur d’espoir salvatrice.
C.A