
Le Premier ministre Mokhtar Ould Djay a présidé, mardi soir, la réunion périodique du comité ministériel chargé du suivi des “grands projets”. Un rendez-vous devenu rituel, où les départements viennent défendre l’avancement de leurs chantiers à coups de pourcentages flatteurs et d’indicateurs soigneusement sélectionnés. Mais derrière l’annonce d’“améliorations notables”, plusieurs questions essentielles restent en suspens.
Des pourcentages qui rassurent… sans dire l’essentiel
Selon les présentations techniques faites lors de la réunion, les projets gouvernementaux auraient enregistré un “progrès significatif” au cours du mois de novembre.
Le programme d’urgence de développement de Nouakchott afficherait ainsi 73 % d’avancement, alors même que 62 % seulement du délai contractuel a été consommé.
De son côté, le programme d’urgence d’accès aux services essentiels revendique 12 % d’exécution pour 6 % d’échéance consommée.
Des chiffres qui, pris isolément, semblent témoigner d’une dynamique positive. Mais que valent réellement ces pourcentages sans information sur : la nature exacte des travaux réalisés, les retards accumulés au cours des années précédentes, les dépassements éventuels de coûts, la qualité réelle des ouvrages livrés, et surtout, l’impact concret sur la vie des citoyens ?
Les rapports publics, eux, continuent d’ignorer ces éléments pourtant déterminants pour une évaluation transparente.
Que cachent les “programmes d’urgence” ?
L’expression même de “programme d’urgence” est devenue un refuge commode pour des chantiers annoncés à grand renfort de communication :
Urgence pour Nouakchott, alors que les mêmes axes routiers sont refaits tous les deux ans ; Urgence pour les services essentiels, quand des quartiers entiers n’ont ni eau potable ni assainissement fonctionnel depuis des décennies ; Urgence encore pour les infrastructures locales, souvent lancées sans concertation, remaniées en cours de route, et livrées au prix d’aménagements provisoires qui deviennent définitifs.
Le citoyen, lui, peine à percevoir ces avancées spectaculaires vantées lors des réunions officielles.
L’injonction présidentielle : une formule qui se répète sans garantie
Comme à chaque réunion, le Premier ministre a insisté sur la nécessité d’une “surveillance rapprochée”, d’une “présence sur le terrain” et du respect des délais contractuels, conformément aux directives du président Ghazouani.
Des rappels qui reviennent de manière mécanique, mais dont on peine à voir les effets concrets lorsque : des chantiers structurants restent bloqués pendant des mois, les bureaux de contrôle peinent à imposer des normes strictes, et que la qualité finale de nombreux ouvrages continue de susciter des interrogations légitimes.
La communication met en avant le pilotage politique, mais ne dit rien sur les faiblesses réelles du suivi technique.
Une réunion de plus, mais toujours les mêmes zones d’ombre
En l’absence de publication systématique : des contrats, des études préalables, des modifications en cours de chantier, des audits indépendants, et des calendriers détaillés,
Il est difficile pour les citoyens de vérifier la véracité des chiffres et de mesurer le rapport coût/qualité.
Cette opacité récurrente transforme les réunions ministérielles en exercices de communication interne plutôt qu’en moments de reddition des comptes.
Le besoin d’un suivi public, pas seulement administratif
Si les progrès annoncés sont réels, ils gagneraient à être documentés, vérifiés et expliqués, plutôt que simplement affichés.
La Mauritanie investit des milliards dans des projets structurants. Le minimum, pour un pays qui aspire à moderniser sa gouvernance, est de garantir : transparence, publication régulière d’informations vérifiables, évaluation indépendante, et implication des citoyens dans le contrôle des projets.
Sans cela, les pourcentages resteront des chiffres sans âme, détachés du vécu quotidien des populations qu’ils sont censés servir.

%20(1).png)

