Tamourt Naaj : 40 millions d’euros pour un développement… encore sous tutelle ? | Mauriweb

Tamourt Naaj : 40 millions d’euros pour un développement… encore sous tutelle ?

mer, 03/12/2025 - 10:47

La Mauritanie et la France ont signé mardi à Nouakchott deux nouveaux accords de financement destinés au projet « Néma – Tamourt Naaj », censé développer l’une des zones agricoles les plus prometteuses du pays. Montant affiché : 40 millions d’euros de prêt, auxquels s’ajoutent 3 millions d’euros de don. Une enveloppe conséquente — mais qui relance immanquablement le débat récurrent sur la dépendance financière, la priorisation des projets et la faible capacité nationale à porter, seule, des programmes structurants.

Un financement massif, mais encore un prêt

Le gouvernement a présenté l’accord comme une avancée majeure. Pourtant, l’essentiel des fonds se présente sous forme d’endettement supplémentaire. Alors que la dette extérieure atteint déjà des niveaux préoccupants, ce nouveau prêt interroge : faut-il systématiquement s’endetter pour aménager nos propres zones agricoles ? Et surtout : où sont les contreparties nationales, les réformes structurelles et le suivi réel des performances des projets financés par la France depuis deux décennies ?

Des promesses déjà entendues

Construction de barrages, retenues d’eau, soutien à l’agriculture et aux activités féminines, valorisation touristique… Le discours officiel ressemble étrangement à celui de dizaines de projets annoncés depuis 15 ans. Beaucoup avaient les mêmes ambitions : “développer un pôle intégré”, “réduire la pauvreté”, “restaurer le couvert végétal”, “soutenir les chaînes de valeur”.
Mais sur le terrain, rares sont ceux qui ont transformé durablement les conditions de vie des populations rurales, faute d’une gouvernance efficace, d’un suivi indépendant, ou d’une appropriation locale.

L’AFD, encore et toujours le partenaire pilote

L’ambassadeur de France a mis en avant les 41 projets en cours, pour une valeur de 430 millions d’euros. Un volume impressionnant qui pose une question simple : La coopération mauritano-française finance-t-elle réellement un modèle de développement durable, ou entretient-elle une dépendance chronique ?

La présence systématique de l’AFD dans les grands projets ruraux, énergétiques ou environnementaux révèle surtout l’incapacité de la Mauritanie à mobiliser des financements internes ou à attirer des investisseurs privés sur des zones pourtant riches en potentiel agricole.

Les populations de Tamourt Naaj attendent des résultats, pas des cérémonies

Sur le papier, le projet promet des miracles : remise en état de milliers d’hectares ; restauration du couvert végétal ; développement des compétences agricoles ; amélioration de la résilience climatique.

Mais les habitants de la région ont déjà vu passer plusieurs programmes similaires, souvent sans véritable changement. Ce qu’ils demandent aujourd’hui, ce n’est pas un nouvel accord signé à Nouakchott, mais des réalisations mesurables, le suivi des fonds, et la transparence dans l’exécution.

La grande absente : la gouvernance

Comme souvent dans ce type d’annonce, on parle financement, on parle développement, on parle coopération internationale… Mais on ne dit presque rien du système de gouvernance, du contrôle des dépenses, ni des mécanismes de lutte contre la corruption — pourtant décisifs dans des régions où les ressources précédentes ont trop souvent été mal utilisées.

Si les infrastructures annoncées voient le jour, si elles sont entretenues, si les populations en bénéficient réellement, alors le projet Tamourt Naaj pourra être considéré comme un tournant.
Mais sans réformes locales profondes, ce nouvel accord risque bien de rejoindre la longue liste des financements internationaux dont l’impact tangible reste à prouver.