Une forte délégation constituée de quatorze personnalités de la société civile américaine, amenée par le fils du Révérend Jessie Jackson, a été déclarée persona non grata en Mauritanie et ses membres refoulés à partir de l’aéroport de Nouakchott où ils étaient arrivés ce samedi 8 septembre2017.
Les autorités mauritaniennes ont réellement des choses à cacher au monde. Après des séries d’expulsion à l’adresse d’organisations internationale des droits de l’homme, d’avocats, de chercheurs et de journalistes étrangers,
voici qu’une délégation de quatorze personnalités de la société civile américaine, venue sur invitation de ses homologues mauritaniens, a été refoulée à partir de l’aéroport international Oum Tounsy de Nouakchott, ce samedi 8 septembre 2017.
La délégation de militants américains sur les droits civiques était composée entre autres, du Professeur Jonathan Jackson, Porte-parole «National Rainbow PUSH Coalition » et fils du Révérend Jesse Jackson, du Révérend Mitchell Johnson, Membre du Conseil d’Administration «The Abolition Institute », Lynda Lawrence, Membre du Conseil d’Administration, «The Abolition Institute » et Lauréate du Prix 2017 «Aichana Abeid Boilil Award » pour son plaidoyer contre l’esclavage en Mauritanie. Elle comprend également des Imams, des chercheurs et autres personnalités.
Partis pour les accueillir, Boubacar Ould Messaoud, Président de SOS Esclaves et ses collaborateurs ont été interceptés sur la route de l’aéroport par une unité de la police qui leur a demandé de rebrousser chemin. «Des instructions venues du Directeur général de la Sûreté interdisait à Boubacar Messaoud de se rendre à l’aéroport Oum Toumsy » leur a-t-on fait savoir. D’autres activistes des droits de l’homme ont connu le même sort.
Contactée par des confrères, l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Nouakchott a promis d’informer la presse sur cette affaire lorsqu’elle aura en main tous les éléments y afférents.
La délégation américaine devait séjourner à Nouakchott une semaine pour rencontrer et discuter avec des organisations mauritaniennes de défense des droits de l’homme, notamment celles qui militent dans le domaine de l’esclavage et de ses séquelles. Un sujet tabou et une ligne rouge à ne pas franchir pour le régime mauritanien.
En 2001 déjà, sous le régime de Maaaouiya Sid’Ahmed Taya, Me Moussa Maiga, avocat au barreau du Mali et membre de l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH), a été refoulé dès son débarquement à l’aéroport de Nouakchott. Mandaté par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), Me Maiga était venu comme observateur lors du procès de Chbih Cheikh Mélaïnine, président du parti Front Populaire qui devait s’ouvrir le 28 mai de la même année. Un autre avocat, le marocain Me Sidaty Mélaïnine, inscrit au barreau d’Agadir, venu défendre le président du Front Populaire lors du même procès, sera lui aussi refoulé après deux jours de séquestration dans l’enceinte de l’aéroport de Nouakchott.
En décembre 2011, Abdelhafid El Bekkali, journaliste et chef du bureau de l’Agence marocaine de presse (MAP) est déclaré persona non grata et expulsé par les autorités mauritaniennes. Ce qui suscitera un communiqué cinglant de condamnation de la part du Comité pour la protection des journalistes (CPJ) qui cria au scandale, jugeant la mesure «injustifiée et en violation de la déclaration universelle des droits de l’homme ».
Le 1er octobre 2013, notre confrère Camara Mamady, journaliste guinéen qui travaillait pour le compte du journal «Rénovateur Quotidien », un périodique mauritanien, est refoulé de l’aéroport alors qu’il revenait d’une conférence à Alger pour le compte de sa rédaction.
En août 2015, Hoffman Michel Lawrence, président de l’organisation des droits de l’homme Vivere basée en Suisse a été refoulé lui aussi à partir de l’aéroport après que l’ambassade de Mauritanie à Paris lui ait assuré qu’il aura le visa une fois sur place. Dès sa descente d’avion, un policier l’a conduit au bureau du commissariat de police de l’aéroport où on lui a d’abord expliqué que le système de visa est en panne avant de l’expulser.
Le 17 juillet 2016, l’islamologue et prédicateur suisse Tariq Ramadan est déclaré persona non grata en Mauritanie et refoulé dès sa descente d’avion en provenance du Maroc. Il devait animer une série de tables-rondes et de conférences à Nouakchott.
En avril 2017, la Mauritanie expulse Mary Foray, universitaire en droits de l’homme et Tiphaine Gosse, journaliste. Les deux jeunes Françaises entreprenaient des recherches sur l’esclavage et le racisme en Mauritanie.
Cette énième expulsion, selon certains observateurs, fait du régime de Mohamed Abdel Aziz, le plus grand prédateur des défenseurs des droits de l’homme en dix ans de règne. Elle intervient au milieu d’un climat délétère, poussant les opposants les plus radicaux à parler de «relent de Coréinisation et de Birminisation de la Mauritanie», un pays qui selon eux, «s’enferme de plus en plus alors qu’une véritable chasse aux opposants est engagée à huis clos, sur fond de dilapidation à l’échelle des ressources publiques et d’une paupérisation galopante de la population mauritanienne».
A rappeler que le Pr.Jonathan Jackson avait reçu chez lui le président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) Birame Dah Abeid, lors de son passage aux Etats-Unis.
Cheikh Aïdara (Le Courrier du Nord)