Mauritanie : des recettes en hausse, mais une réalité sociale inchangée | Mauriweb

Mauritanie : des recettes en hausse, mais une réalité sociale inchangée

jeu, 02/10/2025 - 11:50

  Le ministre des Affaires économiques, Dr Abdallahi O. Souleymane O. Cheikh Sidia, a présenté cette semaine des chiffres flatteurs sur les finances publiques, annonçant une hausse de 10 % des recettes de l’État en 2024 et qualifiant de « première historique » l’adoption rapide de la loi de règlement budgétaire. Dans le même temps, il a mis en avant un financement international de plus de 72 millions de dollars destiné au secteur de l’éducation, censé renforcer les capacités du système scolaire et améliorer l’accès des jeunes vulnérables à l’enseignement.

Derrière ces annonces optimistes, plusieurs interrogations persistent sur la capacité réelle de la politique économique à changer le quotidien des Mauritaniens.

Une embellie budgétaire sous perfusion extérieure

La progression des recettes – 8,6 milliards d’ouguiyas supplémentaires par rapport à 2023 – est présentée comme le fruit d’une « politique financière expansionniste réussie ». Or, une part non négligeable de cette dynamique repose encore sur des financements extérieurs et des prêts, comme le souligne l’accord conclu avec l’Association internationale de développement et la Banque allemande de développement. Autrement dit, le pays continue de fonctionner sous perfusion, renforçant sa dépendance à l’aide internationale, alors même que le gouvernement vante une « mobilisation accrue des ressources intérieures ».

L’éducation, éternelle promesse non tenue

Que 72 millions de dollars soient promis à l’éducation semble une bonne nouvelle. Mais la réalité des écoles rurales délabrées, du manque d’enseignants formés, des classes surchargées et des taux d’abandon scolaire record laisse planer un doute sur l’efficacité de ces fonds. La question cruciale demeure : ces financements serviront-ils à réformer un système éducatif qui échoue année après année, ou seront-ils engloutis dans des projets de façade et une bureaucratie incapable de suivre les besoins réels du terrain ?

La « maîtrise des dépenses » : un trompe-l’œil

Le ministre s’est félicité d’un taux d’exécution budgétaire de 94 %, présenté comme un signe de rigueur. Pourtant, cette maîtrise reste contestable dans un pays où les infrastructures de base (routes, eau potable, santé de proximité) sont insuffisantes, et où une grande partie de la population vit encore dans la précarité. Le décalage entre les chiffres rassurants et la réalité vécue par les citoyens alimente une impression de gestion déconnectée du quotidien.

Une communication internationale bien huilée

La participation de la Mauritanie au Forum de la Résilience en Afrique à Abidjan illustre une autre facette de cette politique : la mise en avant d’un discours séduisant à l’étranger. À travers la voix de ses représentants, le pays se présente comme un modèle de stabilité dans un Sahel en crise, insistant sur la gouvernance et les dépenses sociales. Mais à l’intérieur, les critiques fusent sur l’incapacité des autorités à offrir des services de base décents, à enrayer la pauvreté et à freiner l’exode rural massif.

Entre chiffres et réalités

En somme, si les recettes progressent et que les discours se veulent rassurants, la véritable épreuve reste celle de la traduction de ces performances dans la vie quotidienne des Mauritaniens. L’annonce d’une « avancée historique » dans la gestion budgétaire ne suffit pas à masquer le contraste : d’un côté des statistiques officielles en hausse, de l’autre une société confrontée au chômage, à la cherté de la vie, et à un système éducatif et sanitaire en crise permanente.

Le gouvernement pourra multiplier les indicateurs macroéconomiques et les podiums internationaux, mais tant que ces chiffres ne se traduiront pas par des changements tangibles dans la vie des citoyens, la « réussite » restera avant tout un exercice de communication.