Le verrouillage de la Tunisie et de la Libye pousse les réseaux de passeurs vers la côte Atlantique | Mauriweb

Le verrouillage de la Tunisie et de la Libye pousse les réseaux de passeurs vers la côte Atlantique

jeu, 13/02/2025 - 10:36

La tragédie survenue au large des îles Canaries dans la nuit du 12 février illustre une tendance alarmante : la route migratoire atlantique devient de plus en plus fréquentée, conséquence directe du durcissement des contrôles en Méditerranée centrale.

Un cayuco parti quatre jours plus tôt de Nouadhibou, en Mauritanie, a sombré à une vingtaine de kilomètres au sud de l’île d’El Hierro, entraînant la mort d’au moins une personne et la disparition de deux autres, selon un bilan encore provisoire. L’embarcation transportait environ 80 personnes et a été détectée par le radar de surveillance côtière peu avant son naufrage. Grâce à cette détection, l’unité de sauvetage maritime Salvamar Adhara a pu intervenir rapidement et sauver 75 survivants, dont 10 femmes et un bébé.

Ce drame n’est qu’un épisode parmi d’autres. Au cours des dernières heures, plusieurs autres embarcations ont été secourues au large de l’archipel espagnol, portant à plus de 1 000 le nombre de migrants ayant atteint les Canaries en une semaine. L’afflux massif de ces migrants en provenance du Mali, de Mauritanie, du Sénégal, de Somalie, de Gambie et de Guinée confirme que cette route migratoire, longtemps jugée trop dangereuse, est désormais privilégiée par les réseaux de passeurs.

Finalement, sur les coups de 10h45, la Salvamar Ácruz a accompagné jusqu’au quai de La Restinga un autre cayuco transportant 48 hommes.

Selon les données de la Croix-Rouge, depuis ce lundi, 20 embarcations pneumatiques et cayucos avec 1 232 migrants à bord ont été secourus à Lanzarote, El Hierro, Fuerteventura et Gran Canaria.

Une alternative aux routes bloquées en Méditerranée

Depuis la mise en place de politiques de plus en plus restrictives en Tunisie et en Libye, qui étaient jusque-là des points de départ majeurs vers l’Europe via l’Italie, les flux migratoires ont connu un basculement progressif vers l’Atlantique. La militarisation des frontières en Méditerranée centrale et les accords entre l’Union européenne et ces pays d’Afrique du Nord ont rendu les traversées plus difficiles, incitant les passeurs à adapter leurs stratégies.

Désormais, la Mauritanie, le Sénégal et le Maroc servent de nouveaux points de départ pour des traversées vers les îles Canaries, porte d’entrée de l’Union européenne. La distance à parcourir sur l’Atlantique est plus longue et périlleuse, les courants marins étant imprévisibles et les embarcations souvent précaires. Malgré ces risques, des milliers de migrants continuent de tenter leur chance, espérant une vie meilleure en Europe.

Formentera et Majorque ont également accueilli en une journée plus de 100 migrants arrivés par la mer. La Garde civile a secouru entre la nuit et le matin du mercredi quatre embarcations transportant 92 personnes au sud de Majorque et a intercepté 19 autres migrants arrivés à Formentera. Tous les migrants sont en apparente bonne santé. La majorité d’entre eux, soit 92, sont d’origine subsaharienne, tandis que les 19 autres, arrivés à Formentera, sont d’origine maghrébine, selon les données recueillies par l’agence Efe auprès de la délégation du gouvernement.

Une réponse européenne en retard

Face à cet afflux croissant, l’Union européenne et l’Espagne cherchent à renforcer la coopération avec les pays d’Afrique de l’Ouest pour contenir ces départs. Déjà, des accords ont été signés avec la Mauritanie pour intensifier les contrôles et limiter l’activité des réseaux de passeurs. Toutefois, la situation reste critique, avec un manque de moyens pour surveiller efficacement la vaste côte atlantique et empêcher les embarcations de prendre la mer.

L'augmentation du nombre de naufrages et de drames humains rappelle l’urgence d’une approche globale qui ne se limite pas à la répression, mais prenne en compte les causes profondes des migrations : l’instabilité politique, les crises économiques et climatiques, ainsi que l’absence de perspectives pour de nombreux jeunes Africains. En l’absence de solutions durables, la route atlantique continuera de s’imposer comme l’un des chemins les plus meurtriers vers l’Europe.