Quelques précisions, tout d’abord, sur les faits que nous n’avons cessé de rapporter, depuis trois semaines. Il y a quelques semaines, Ould Berrou, un jeune responsable de l’agence de transfert d’argent Gaza, à El Mina, quitte son lieu de travail, comme d’habitude, vers dix-neuf heures. Ne le voyant pas revenir à demeure, sa famille déclare sa disparition à la police et mène, en vain, des recherches partout en ville. Deux jours plus tard, une famille de Nouakchott se rend en banlieue Nord-est, pour se détendre et respirer au frais, sur un terrain qu’elle détient du côté de Kellida, à quinze kilomètres sur l’axe Nouakchott-Akjoujt. Le père et la mère commencent à installer le campement, pendant que les enfants jouent, un peu plus loin. Soudain, l’un d’eux s’écrie : « Il y a quelqu’un endormi sous cet arbre ! ». Apeurés par cette découverte, les enfants courent aussitôt vers leurs parents et le père se rend auprès du présumé dormeur pour constater qu’il s’agit d’un cadavre à moitié calciné. La famille repart en ville pour informer la police, au commissariat Dar Naïm 3. Celui-ci prévient, illico, le procureur de la République de Nouakchott-Nord. Une demi-heure plus tard, un cortège se dirige, sous la conduite du père de famille, vers le lieu de la macabre découverte. Après le constat routinier, le cadavre est évacué à la morgue de l’hôpital Cheikh Zayed. Le père est mis en garde à vue, pour les besoins de l’enquête, en tant que principal suspect. Le cadavre est identifié le même jour, grâce à un parent d’Ould Berrou passé à l’hôpital. D’autres parents du jeune disparu confirment, la police technique le prouve, sur études des empreintes digitales de la dépouille. Le commissariat de police d’El mina 1 ouvre alors une enquête. Ses agents de recherche se rendent au siège de l’agence Gaza d’El Mina. Comme il est fermé à clef, on en force la porte, pour découvrir que le coffre-fort a été ouvert, qu’il ne contient plus rien, que le système de surveillance a été saboté, les caméras arrachées et emportées. La direction centrale de l’agence affirme que ledit coffre contenait, au jour de la disparition d’Ould Berrou, un million cinq cent mille MRO. La police en avance l’hypothèse du crime crapuleux.
Premier indice
Les enquêteurs interrogent longuement tous ceux qui étaient en relation, de près ou de loin, avec le défunt. Cela ne donne pas grand-chose, hormis le matricule du châssis de son téléphone portable qui permet d’arrêter un premier suspect, au grand soulagement de l’opinion publique et des proches de la victime. Un jeune « djenk » a, en effet, utilisé le portable, après la disparition du caissier. Les sites électroniques d’information commencent à répandre des rumeurs faisant état de l’arrestation du tueur d’Ould Berrou mais il s’avère que ledit suspect n’a rien d’un délinquant, il a simplement trouvé, par terre, dans l’enceinte de l’ancien aéroport, le téléphone probablement jeté par les véritables assassins.
Au cinquième jour, la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN), pressée par la soif de l’opinion publique et des ordres de haut niveau, désigne une commission d’enquête chargée d’élucider, au plus vite, cette énigme. Présidée par le directeur régional de la police de Nouakchott-Sud, Addou ould Kaber, elle comprend le commissaire d’El Mina 1, Sidi Mohamed ould Sidha, celui de Dar Naïm 1, Alioune ould Limame, leur homologue de Dar Naïm 3, Gouha mint Ethmane, et le commissaire spécial de la police judiciaire : El Hassen ould Samba.
Nouvelle tournure de l’enquête, nouveaux indices
Epaulé par leurs agents, BRB comprise, ce groupe, très expérimenté sur le terrain des grandes enquêtes, se met au travail, au siège de l’ancien commissariat Arafat 2. Se méfiant de la presse, ils se sont donnés consigne de ne laisser filtrer aucune information. La première semaine, ils procèdent classiquement, en raflant tous les récidivistes en liberté et essayant d’en soutirer le maximum d’informations susceptibles de les conduire vers d’éventuels suspects. Pas de résultats concrets. L’impatience des proches de la victime et de toute l’opinion, puissamment exprimée dans les réseaux sociaux, les presse pourtant.
Au cours de la troisième semaine d’enquête sans suites, la commission, qui a pris l’avis de plusieurs autres commissaires de police expérimentés, suit l’idée de cibler les malfaiteurs spécialisés en cambriolage et braquage d’agences de transfert d’argent. Ils remarquent que l’agence Gaza était celle la plus suivie et ciblée par ces bandits. Plusieurs noms de grands récidivistes impliqués sont filtrés, notamment un certain Brahim Ledhem. Viré du Groupement Général de la Sécurité Routière (GGSR) pour délinquance, il a déjà cambriolé plusieurs agences dont Gaza, à plusieurs reprises. Déféré, il y a trois mois, avec d’autres complices, par le commissariat de Teyaret 1, il a été relâché par le Parquet. Un mois plus tard, il passe vingt jours en prison, avant de bénéficier d’une liberté provisoire.
Forte de ces indices, la traque de Brahim ould Ledhem commence. Mercredi 6 Mars, une maison est investie, à Ten Soueilim, sous les regards des badauds. Un jeune en est extirpé, menotté et embarqué. L’audition d’Ould Ledhem va se révéler capitale. Il avoue, en effet, avoir prémédité et exécuté, avec trois complices : Boudeich, Houssein « Essiniya », et Taleb Ahmed ; le meurtre d’Ould Berrou. Après avoir suivi ses mouvements, pendant quelques jours, ils ont utilisé un faux taxi pour le piéger. Ils le poignardent alors, jusqu’à lui faire perdre connaissance, le temps de sortir de la ville, l’achever et l’immoler, avant de s’emparer de ses clefs et affaires personnelles et abandonner sa dépouille. Ils profitent ensuite de l’obscurité pour se rendre au siège de l’agence, en vider le coffre-fort et disparaître.
Bouddeich, le chef de la bande qui terrorisait Ten Soueïlim, est arrêté à Zaatar, dès le lendemain des aveux de Brahim. Au cours de la même journée, Houssein « Essiniya » est également appréhendé, à Riyad, tandis que leur quatrième complice, Ahmed Taleb, est coffré au Ksar où il se la coulait douce. Ils avouent avoir remis les caméras de surveillance arrachées du siège de l’agence, à un complice ex- gendarme qui n’a pas participé à l’opération. Celui-ci est arrêté le dimanche 9 Mars, au lendemain de la reconstitution du meurtre. Avec ce coup de filet, notre police a accompli un véritable exploit car arrêter des meurtriers qui n’ont laissé aucune trace est une tâche particulièrement ardue.
Mosy (Le Calame)