Avec l'une des zones de pêche les plus riches au monde, le secteur de la pêche joue un rôle clé dans l'économie nationale et est essentiel à sa croissance continue. Il représente environ 12% du PIB et contribue jusqu'à 25% au budget de l'État. En outre, le secteur génère 45% des recettes en devises étrangères de la Banque Centrale et crée plus de 55 000 emplois. Il joue, par ailleurs, un rôle important dans la lutte contre la pauvreté et la malnutrition.
Le total admissible de capture (TAC) de la zone économique exclusive (ZEE) mauritanienne est d'environ 1 200 000 tonnes par an, un peu moins de 25% de cette quantité est capturée par la flotte nationale et débarquée sur des ports mauritaniens. En dehors de la farine de poisson, la transformation des produits halieutiques est très faible en quantité et en qualité, moins de 5% de la pêche totale est transformée.
Cela signifie que le secteur de la pêche a un énorme potentiel en soi et qu’il est capable d’absorber un pourcentage important du taux de chômage. Ce secteur peut fournir plus de 100 000 opportunités emplois directes.
Une meilleure gestion du secteur de la pêche est le moyen le plus rapide pour éliminer la pauvreté et le chômage dans les zones côtières grâce à la création de nouvelles opportunités d'emploi et apportera une nouvelle dynamique à l'économie nationale. S'il est géré de façon optimale, le secteur attirera de nouveaux investissements étrangers et permettra aux sociétés existantes d'explorer de nouvelles opportunités.
Bien entendu, cela ne peut se réaliser que si les ressources halieutiques sont gérées de manière raisonnable et efficiente afin de surmonter les obstacles qui empêchent ce secteur de s’épanouir. Il est également nécessaire d’adopter une stratégie sectorielle ambitieuse, plus libérale et plus efficace et de renforcer le rôle du secteur privé en tant que moteur de développement.
Ce sera utopique de supposer qu’il est possible d'atteindre ces objectifs et effacer tous les maux de ce secteur d’un coup de baguette magique. Il y existe des obstacles structurels, administratifs et juridiques qui nécessitent du temps et un réel engagement pour les surmonter.
Tout d’abord, il n’existe pas d’institution financière spécialisée qui soit capable et désireuse de financer l’activité de pêche à un taux d’intérêt raisonnable qui sert l’intérêt mutuel de toutes les parties concernées. En cas de financement, le taux d'intérêt effectif est d'environ 14% par an.
Deuxièmement, l’absence d’une main-d’œuvre qualifiée. Les Mauritaniens, par nature, ne sont pas des marins et n’ont pas encore appris à l’être. La même chose s'applique aux usines onshore, il n'y a pas non plus de main-d'œuvre qualifiée pour prendre en charge la production. La qualité et l’hygiène sont essentielles lorsqu'il s'agit de produits de la mère.
Troisièmement, l’existence de la Société Mauritanienne de Commercialisation de Poisson (SMCP) sous sa forme actuelle en tant que société monopolistique chargée de la commercialisation de tout le poisson capturé par des navires nationaux ou traité dans des usines onshore et destiné à l’exportation est le principal obstacle au développement de l'industrie de transformation des produits halieutiques. La raison en est due au fait que les investisseurs potentiels ne peuvent concevoir l’idée de ne pas pouvoir commercialiser eux-mêmes les produits qu'ils ont capturés, transformés et conditionnés dans leurs usines et avec leurs propres moyens.
Quatrièmement, les fréquents changements des lois et de la réglementation qui s'annulent et se remplacent. Ce qui conduit à la confusion des acteurs économiques du secteur, qui se trouvent souvent dans l'incapacité de faire distinction entre les anciennes et nouvelles lois et réglementations.
De plus, les coûts d'exploitation élevés, tels que le coûts d'électricité et le coût de la logistique nécessaire, en plus des taxes ne servent pas la compétitivité du secteur de la pêche en Mauritanie.
Enfin, l’épuisement rapide du stock halieutique provoqué par l’effort intensif des usines de fabrication de farine de poisson représente un danger imminent menaçant la ressource. Le nombre d’usines de farine de poisson en Mauritanie est très élevé et compte environ 50 usines entre la Zone Sud et la Zone Nord, ce qui est excessif et représente une menace sérieuse pour le stock naturel de poisson et pollue l’environnement. Cette activité est néfaste au secteur de la pêche sur les plans économique et environnemental. La farine de poisson est un produit de faible valeur commerciale et la production d'une tonne de cette matière nécessite la transformation de 5 tonnes de poisson, qui pouvaient être transformées en produit de haute valeur ajoutée.
“En conclusion, le secteur de la pêche peut en effet être un vecteur essentiel de croissance et développement économique s'il y a une approche pragmatique et empirique de gestion des problèmes existants et une détermination ferme du secteur public et du secteur privé afin de maximiser l'intégration de la pêche dans l'économie. Il est nécessaire d’exploiter les ressources halieutiques de manière optimale afin d’assurer une croissance forte et durable de l'économie mauritanienne en général et du secteur de la pêche en particulier.”
Sid’Ahmed Benza
Nouakchott, le 10 Novembre 2018