L ‘accouchement est en cours. Dans la douleur. Une césarienne sera probablement nécessaire. Rassurez-vous : vous n’êtes pas dans une maternité mais dans une réunion du comité, désigné par l’opposition, pour dénicher l’oiseau rare : le candidat unique qui portera ses couleurs, lors de la présidentielle de Juin prochain. Inutile de le ressasser : les débats sont longs, parfois houleux. On pose la question qui tue : Le candidat doit-il être issu d’un parti d’opposition ou non, s’il a la capacité de rassembler ? Les critères de sélection sont passés en revue et les candidats au peigne fin. Des noms émergent. On élimine certains, on en garde d’autres sous la main. Les infos fuitent avec parcimonie. Ahmed ould Daddah étant hors-jeu – limite d’âge… – on parle de Mohamed ould Maouloud qui serait, dit-on, intéressé. L’homme n’a plus rien à prouver, sur le plan du combat politique pour une véritable démocratie en Mauritanie mais il n’arrive pas à réunir le consensus pour porter l’étendard de l’opposition réunie. Les islamistes rechignent, en effet, à soutenir un homme de gauche. Mahfoudh ould Bettah ? Il n’a pas de grand parti derrière lui ni beaucoup de moyens pour financer sa campagne. Un temps pressenti, Mohamed Mahmoud ould Mohamed Saleh, un brillant professeur de Droit, proche du RFD dont il fut le directeur de campagne, lors de la présidentielle de 2007, a poliment décliné l’offre. Cheikh ould Hannena, le leader des sénateurs frondeurs ? Issu du grand Est, il peut être un bon cheval mais n’a pas une grande expérience politique. Et pour arriver en tête, dans une course aussi serrée que la présidentielle, il faut avoir, non seulement, du souffle mais, aussi, une solide assise financière. Sidi Mohamed ould Boubacar ? Deux fois Premier ministre (1992-1996 et 2005-2007), plusieurs fois ministre et ambassadeur, il a, incontestablement, une grande expérience et peut, sans doute, mobiliser des moyens. Mais il a l’inconvénient d’avoir servi, jusqu’à sa chute, un régime que cette opposition a combattu. Sa gestion remarquable de la transition 2005-2007 lui vaudra-t-elle absolution ? Le fait qu’il ait toujours gardé le silence, face aux dérives du pouvoir actuel, ne joue pas en sa faveur. Certains militants de l’opposition commencent, d’ailleurs, à lui en faire reproche. Mieux vaut tard que jamais, pourrait-il leur répliquer : juste à côté de nous, Macky Sall fut ministre puis Premier ministre de Wade, avant de prendre ses distances vis à vis de son mentor et le défier, lors de la présidentielle de 2012. L’opposition sénégalaise avait flairé le bon coup et misa sur lui, en le soutenant au second tour. Vu l’enjeu, elle ne s’embarrassa ni de considérations partisanes ni de sentiments.
Bref, qui d’autre de cette liste, pourrait-il être cette arlésienne de candidat unique ? Mohamed ould Bouamatou ? Le nom de l’homme d’affaires, devenu opposant pur et dur, subissant, depuis plus de sept ans, les affres du régime, a été également cité. Doté de solides relations, à l’extérieur et à l’intérieur, qu’il peut activer à bon escient, il a, en outre, l’énorme avantage de pouvoir financer, lui-même, sa campagne électorale. A condition, bien sûr, qu’il accepte d’entrer dans la danse et que l’opposition unanime le désigne. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. L’homme garde toujours le silence sur ses intentions et l’opposition arrivera difficilement à s’entendre. Or le temps presse. L’autre camp commence déjà à fourbir ses armes. Et, comme en 2007, 2009 et 2014, l’opposition risque fort rater encore le train. Par sa seule faute mais, cette fois, la goutte risque de faire déborder le vase. Ainsi gira une opposition auto-noyée dans ses atermoiements ?
Ahmed ould Cheikh (Le Calame)