Nous, organisations soussignées, condamnons les actes persistants et stratégiques contre l’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA-Mauritanie) et ses membres, et appelons les autorités mauritaniennes à annuler les peines prononcées contre les 13 membres de l’IRA-Mauritanie actuellement emprisonnés.
L’IRA-Mauritanie a été fondée en 2008 pour lutter contre la culture d’impunité largement répandue vis-à-vis de l’esclavage dans le pays. Depuis 2010, nos organisations ont documenté des cas répétés d’arrestations, d’acharnement judiciaire, de fausses accusations, de détentions arbitraires, ainsi que des cas de mauvais traitements et de torture contre les membres d’IRA-Mauritanie pendant leur détention, en réponse à leurs actions légitimes et pacifiques en faveur des droits humains.
Du 30 juin au 9 juillet 2016, 13 membres de l’IRA-Mauritanie ont été arrêtés en lien avec les émeutes du 29 juin 2016 près de Nouakchott, organisées par la population Haratine, alors que les autorités prévoyaient de détruire les bidonvilles pour mettre en place un « plan de développement alternatif ». Aucun membre de l’IRA-Mauritanie n’a participé à l’organisation ou aux émeutes elles-mêmes ou s’est prononcé publiquement au sujet de l’éviction de la population Haratine avant son arrestation.
Cependant, les 13 membres ont été arrêtés en lien avec les émeutes et placés en détention dans des lieux tenus secrets jusqu’au 12 juillet 2016, date à laquelle ils ont pu rencontrer le procureur qui a ouvert une enquête à leur sujet. Ces derniers ont alors été autorisés à contacter leurs avocats et plusieurs charges ont ensuite été retenues contre eux. Pendant leur détention, deux membres de l’IRA ont dit avoir été torturés et maltraités. Le 18 août 2016, les 13 défenseurs des droits humains ont été inculpés et condamnés à des peines de prison allant de 3 à 15 ans de prison. Le 22 août 2016, la cour a accepté leur pourvoi en appel, mais le procès n’a pas encore débuté à ce jour. Le 28 septembre 2016, les 13 ont été transférés vers un centre de détention à Zouérat, à plus de 700 kilomètres de Nouakchott, où ils vivent et travaillent.
Au cours des dernières années, le président de l’IRA-Mauritanie, M. Biram Dah Abeid, a lui-aussi été arrêté et emprisonné plusieurs fois en raison de sa lutte pour l’abolition de l’esclavage en Mauritanie. M. Biram Dah Abeid a reçu le Prix Front Line Defenders 2013, le prix des Nations Unies 2013 pour les droits humains, et fait partie des « Héros de la lutte contre la traite des personnes » reconnus par le Département d’Etat des Etats-Unis (U.S. Department of State Trafficking In Persons Report Hero). L’IRA-Mauritanie a remporté L’Human Rights Tulip Award 2015 et le James Lawson Award 2016 de l’International Center for Nonviolent Conflict.
De 2010 à 2016, M. Biram Dah Abeid a été arrêté et emprisonné trois fois pendant différentes durées. Plus récemment, le 11 novembre 2014, il a été arrêté puis accusé le 15 janvier 2015 de « rassemblement illégal et rébellion », d’avoir « encouragé la rébellion », et d’avoir « refusé d’obéir à des ordres administratifs », après avoir organisé et participé à une caravane visant à sensibiliser le public à la question de l’esclavage de la population Haratine en Mauritanie. Après 18 mois de prison, le défenseur a été libéré le 17 mai 2016 lorsqu’un Juge de la Cour suprême a déclaré que la peine maximum dans ce cas était d’un an. Dans le même temps, au moins 65 membres d’IRA-Mauritanie avaient été arrêtés dans tout le pays.
Nos organisations condamnent les actes de harcèlement répétés des autorités à l’encontre du travail légitime et pacifique d’IRA-Mauritanie, et appellent les autorités mauritaniennes à y mettre un terme immédiat.
Nos organisations appellent en outre les autorités mauritaniennes à (i) annuler immédiatement la peine prononcée contre les 13 membres de l’IRA-Mauritanie détenus à Zouérat (ii) à les libérer immédiatement et sans condition du centre de détention de Zouérat et à garantir leur retour en toute sécurité à Nouakchott (iii) à cesser toute forme de harcèlement contre les défenseurs des droits humains en Mauritanie, en particulier ceux qui travaillent sur les questions relatives à l’esclavage, et (iv) à assurer un environnement propice à leur travail pacifique et légitime en faveur des droits humains, sans craintes de restrictions ni représailles, y compris au niveau judiciaire.
Source FIDH