Le dialogue politique « inclusif » est enfin lancé. Jeudi dernier, au Palais des congrès, c’était la grande ruée. Les partis de la Majorité présidentielle, du plus grand au plus petit, des partillons, des syndicats, des ONG microscopiques et des opposants assoiffés de soupe, tous se sont bousculés au portillon. Le Guide éclairé devait présider la cérémonie d’ouverture. Il fallait être présent, pour rien au monde ne rater cet instant mémorable. Les applaudisseurs et les troubadours ont accouru de partout et réussi, sans trop de difficultés, à accéder à la salle, contrairement aux journalistes venus faire leur boulot et qui n’ont, soit, tout simplement, pas été invités, soit empêchés de franchir la porte d’entrée dudit palais. Ils n’ont pas raté grand-chose : des discours à n’en plus finir ; des slogans creux ; des rappels sur les vertus du dialogue ; des appels du pied à l’opposition, pour prendre le train en marche. Seul Bâ Alassane Hamady dit Ballas, le président du parti Arc-en-ciel est sorti des sentiers battus. Il a jeté un énorme pavé dans la mare, en évoquant les inégalités économiques entre les communautés nationales, les injustices sociales, au détriment des Négro-mauritaniens et leur absence de tous les centres de décision. Brouhaha dans la salle. Cris et salves de réprobation. Pourtant Bâ n’a dit tout haut que ce que beaucoup pensent tout bas. La Mauritanie est, plus que jamais, divisée. Et ce dialogue ne fait qu’accentuer la division, au lieu de contribuer à apaiser les tensions. Premier responsable de cet état de fait, le pouvoir. Au lieu de répondre favorablement aux requêtes de l’opposition – une simple réponse écrite à son mémorandum… – pour rendre le dialogue véritablement inclusif, il maintient sa logique d’entêtement. Il gagnerait, pourtant, à avoir tout le monde autour d’une table, pour discuter de la situation du pays et trouver une issue à la crise qui le secoue depuis 2008.
A moins qu’il ne veuille siennes les devises « Après moi, le déluge » ou « Diviser pour régner ». Si le Soudan est désormais scindé en deux, c’est parce qu’on a mal géré ses particularismes. Prions pour que ce dialogue, qui a déjà mal commencé, ne soit pas le début d’un engrenage fatal. Et que notre pays ne prenne pas le chemin de la Somalie. Où le président Siad Barré, après avoir entrepris, avec sa parentèle, un pillage systématique des ressources de son pays, a mis le feu aux poudres, en provoquant une guerre civile. Sa famille, bien à l’abri, à l’étranger, continue à profiter de cette manne, loin de la violence et des soubresauts qui jalonnent désormais la vie de leurs concitoyens. Certes, il aura fallu, à ces partitions, le soutien des bousculades internationales géostratégiques, notamment entre la Chine et les USA, pour prendre corps. La Mauritanie serait-elle à ce point dépourvue de matières premières pour espérer rester ignorée des grandes manœuvres mondiales ? Dialogue, inclusion, islam, comme honneur, fraternité, justice… Va-t-on enfin entendre que ce sont les actes quotidiens, têtus, inébranlables, et non pas les slogans, qui fonde l’unité d’un peuple ? Le rendant, ainsi, invincible, comme le dit si bien la chanson…
Ahmed Ould Cheikh (Le Calme)