Afrimag - À la perspective d’une manne gazière, Nouakchott rayonnait d’optimisme. Mais les mauvais résultats de BP et l’essor des énergies renouvelables vont différer l’entrée en production. Pas avant 2023, si la situation change en mieux !
La Mauritanie rêvait d’un avenir radieux à partir de 2022 grâce aux quelque 425 milliards de mètres cubes de gaz contenus dans les réservoirs sous-marins situés à cheval sur la frontière maritime qu’elle partage avec le Sénégal.
Pandémie, évolution erratique des prix des hydrocarbures, économie mondiale en berne et nouvelle sensibilité des majors pétroliers en faveur des énergies renouvelables jettent une ombre inquiétante sur ce projet.
Il s’agira d’extraire le gaz à partir d’une plateforme, et de l’acheminer au fond de l’océan sur 80 km, jusqu’à une unité flottante de liquéfaction protégée par un brise-lames. La phase 1 doit permettre de produire, en 2022, 2,5 millions de mètres cubes par an, issus de deux puits. Les phases 2 et 3 porteraient la production à 10 millions de mètres cubes, extraits d’une douzaine de puits.
À ce jour, 40 % des investissements de la phase 1 sont engagés (entre 4 et 5 milliards de dollars). Les difficultés de BP ont commencé le 8 avril 2020, quand elle invoque un cas de force majeure pour justifier un retard de onze mois. Le confinement dû à la pandémie aurait suspendu la construction de l’unité flottante.
Pourtant, c’est loin d’être l’avis d’un expert mauritanien, ancien cadre du ministère du Pétrole, qui estime que ce sont les conditions du marché qui expliquent les hésitations de la major britannique. L’offre d’énergie excède la demande dans cette période de fort ralentissement économique, et la guerre des prix du pétrole déclenchée par l’Arabie saoudite a fait s’effondrer les cours des hydrocarbures.
BP a aussi d’autres soucis (la perte de 4,4 milliards de dollars au premier semestre de 2020) et d’autres projets, comme celui qui fait envisager à Bernard Looney, le nouveau patron de BP, de vendre 25 milliards de dollars d’actifs entre 2020 et 2025 pour avoir les moyens d’investir dans les énergies renouvelables, et ainsi réduire de 40 % sa production pétrolière d’ici à 2030. Ceci expliquant cela, l’on comprend que le retard du projet GTA ne soit dû seulement qu’à une pandémie qui s’installe dans la durée.
Si la Mauritanie et le Sénégal ont fait preuve d’un comportement exemplaire, en s’entendant sur tout pour faciliter le travail de BP et de Kosmos, les deux pays doivent cependant prendre leur mal en patience pour mener à bien ce projet lourd, et qui demande beaucoup d’investissements, mais surtout, revoir leurs copies quant à des programmations budgétaires prenant en compte des ressources générées par une manne gazière encore aléatoire.
Par Mohamed Sneïba, Correspondant permanent - Nouakchott