RFI Afrique - Le secrétaire d’État américain s’est entretenu avec son homologue français, Jean-Yves Le Drian, à Paris.
La question de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel a notamment été évoquée, alors que le président Emmanuel Macron a annoncé la transformation profonde de l’opération Barkhane au Mali. Un changement qui ne devrait pas remettre en cause le soutien des États-Unis dans la région.
« Nous sommes des partenaires forts au Sahel, et ce partenariat va se poursuivre. » Déclaration forte hier d’Antony Blinken, le secrétaire d'État américain pour sa première visite en France depuis sa nomination à ce poste en début d’année.
Anthony Blinken s’est voulu rassurant alors que l’ancien président Donald Trump menaçait, il y a encore quelques mois, de retirer les troupes américaines d’Afrique de l’ouest. La nouvelle administration ne laissera pas tomber la France au Sahel , a affirmé le nouveau secrétaire d’État américain.
« Nous partageons l’idée selon laquelle développer les capacités des partenaires locaux – pour qu’ils puissent eux même mener la lutte le contre terrorisme – est la bonne approche. Ca a tout son sens. Mais nous continuerons à soutenir les efforts permanent la France dans la région. »
Renforcer les partenaires locaux
Le ministre français des Affaires étrangères Jean Yves Le Drian s’est réjoui de ce soutien américain, alors que la France a récemment annoncé la transformation profonde de l’opération Barkhane au Mali. « Nous allons vers un nouveau modèle d'opération, avec moins de présentiel mais plus de coopération, plus de sahélisation », a-t-il déclaré. Barkhane se retirerait donc en douceur pour laisser aux armées nationales leur place, tout en leur assurant soutien et formation. Une position que comprend l'administration Biden. « Nous partageons ce point de vue, a déclaré Antony Blinken, il faut aller vers un renforcement des capacités des partenaires locaux. »
Sur le principe donc les deux pays sont d'accord, mais rien n'a filtré hier sur les modalités de cette montée en puissance des armées sahéliennes. Ce sujet, qui est au coeur du projet de la force conjointe du G5 Sahel, a toujours été sujet de contentieux entre Paris et Washington.
Repenser la lutte contre le terrorisme
À plusieurs reprises, Emmanuel Macron a demandé à ce que la force conjointe obtienne le chapitre 7 des Nations unies, pour lui assurer des financements pérennes. Une solution qu'ont toujours refusée les États-Unis, préférant des accords bilatéraux avec chacun des pays sahéliens. Interrogé sur ce point hier, Antony Blinken a botté en touche, mais a assuré ses partenaires sahéliens du soutien des États-Unis pour le développement de leur pays.
Dans un communiqué publié cette semaine, la Coalition citoyenne pour le Sahel, qui regroupe une trentaine d'organisations de la société civile et d'ONG, estime que le retrait de Barkhane représente surtout une opportunité pour repenser la lutte contre le terrorisme au Sahel.
Drissa Traoré, porte-parole de la Coalition citoyenne pour le Sahel :
« Nos organisations réclament en particulier l'abandon du tout sécuritaire qui aujourd'hui a montré toutes ses limites, après plus de huit ans d'intervention. Les populations civiles du Sahel continuent à souffrir et à payer un lourd tribut de ce conflit. Donc il faut plutôt embrasser une approche qui met au centre des préoccupations la protection des populations civiles, le renforcement de l'aide humanitaire au développement [...]»
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Bilan du sommet européen: le Sahel en ligne de mire
Avec notre correspondant à Bruxelles,
Pierre Bénazet
Lors des deux jours de leur sommet bruxellois, les 27 chefs d’États et de gouvernements ont voulu réaffirmer leur soutien, tout du moins pour le moment une déclaration d’intention.
Malgré la décision française de mettre fin à l’opération barkhane, les Européens affirment en effet vouloir continuer à soutenir la force conjointe du G5 Sahel et les missions internationales : celle de l’ONU et la mission européenne de formation militaire EUTM. Les Premiers ministres de la Suède et des Pays-Bas ont estimé par ailleurs que plusieurs pays européens supplémentaires pourraient s’engager au Sahel du fait du départ de l’Otan d’Afghanistan, ce qui libère mécaniquement des troupes et des moyens.
« Tous les Européens qui sont engagés dans la Minusma ou l'EUTM ont confirmé leur engagement, s'est félicité Emmanuel Macron. Ensuite, neuf autres Européens ont d'ores et déjà confirmé qu'ils viendraient aux côtés de la France pour rejoindre la task force Takouba. Et j'ai eu un appui très clair et explicite de plusieurs États membres. Il y a un vrai niveau de prise de conscience des Européens sur ce sujet, une vraie reconnaissance explicite à l'égard de l'engagement de la France, une compréhension à l'égard de la transition que nous sommes en train de faire et une volonté de rester engager en bon niveau à nos côtés. »
Un désaccord se manifeste cependant entre les positions de la France et de ses partenaires européens puisque si Emmanuel Macron a persisté dans sa critique de l’attitude de la Cédéao dans la crise malienne, alors que les 27 ont félicité la Cédéao pour son engagement en faveur de la transition au Mali.