L'OBS - Le Maroc a annoncé ce vendredi 13 novembre avoir lancé une opération militaire dans la zone tampon de Guerguerat, près de la Mauritanie, en dénonçant « les provocations du Polisario » au Sahara occidental, dans un contexte de tensions croissantes autour de l’ancienne colonie espagnole au statut toujours indéfini.
Environ 200 routiers sont bloqués depuis environ trois semaines à ce poste-frontière, à l’extrême sud du territoire désertique que se disputent depuis des décennies le Maroc et les indépendantistes du Front Polisario soutenus par l’Algérie, malgré les efforts de règlements de l’ONU.
« Le Polisario et ses milices qui se sont introduits dans la zone depuis le 21 octobre ont mené des actes de banditisme, bloqué la circulation et harcelé continuellement les observateurs militaires de la Minurso », la force d’interposition de l’ONU, précisé un communiqué des Affaires étrangères marocaines.
Le but de l’opération est de « mettre un terme à la situation de blocage » et « restaurer la libre circulation civile et commerciale » sur la route qui conduit vers la Mauritanie, selon la même source.
« Action de fermeté »
Le Front Polisario avait menacé lundi de mettre fin à l’accord de cessez-le-feu avec Rabat si le Maroc introduisait des troupes ou des civils dans la zone tampon de Guerguerat. Nouakchott a annoncé mercredi que l’armée mauritanienne avait renforcé ses positions à la frontière avec le Sahara occidental « pour parer à toute éventualité ».
« Ce n’est pas une action offensive mais c’est une action de fermeté par rapport à cette action qui est inacceptable », a assuré à l’AFP le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, en affirmant que la Minurso, présente sur le terrain, avait observé qu’il n’y avait aucun contact avec les civils. Le roi Mohamed VI a dit dans un récent discours, début novembre, que « le Maroc ne tolérerait pas que ces provocations continuent : aujourd’hui c’est une manifestation de cette intransigeance. »
Vendredi, des hommes du génie civil de l’armée marocain ont été déployés à une dizaine de kilomètres du poste-frontière pour « colmater une brèche » dans le mur qui sépare les deux camps dans l’immense territoire désertique, de façon à « rendre impossible l’accès à la zone », selon un haut responsable des Affaires étrangères joints par l’AFP.
Attaques de milices
Depuis environ trois semaines, des milices, comprenant quelque 70 hommes armés « s’attaquent à des camionneurs, interdisent la circulation, procèdent à du racket », selon la même source.
Jusque-là, « le Maroc a fait preuve de retenue » mais « les appels de la Minurso et du secrétaire général de l’ONU […] sont malheureusement restés vains », a souligné le haut responsable marocain en affirmant que l’ONU, la Mauritanie et « d’autres pays impliqués dans le dossier » avaient été prévenus de l’opération.
Il y a 108 routiers bloqués côté mauritanien et 78 de l’autre côté de la frontière, avec des véhicules de différentes origines, Maroc, Mauritanie ou France, selon le haut responsable marocain joint par l’AFP.
La semaine dernière, un groupe de routiers marocains avaient lancé un appel au secours aux autorités du Maroc et de la Mauritanie en se disant bloqués par des « milices affiliées à des séparatistes », au poste-frontière de Gerguerat.
« La guerre a commencé »
Le Front Polisario a affirmé que « la guerre a[vait] commencé » au Sahara occidental et que les forces indépendantistes répliquaient à l’armée marocaine.
« C’est une agression. Les troupes sahraouies se retrouvent en situation de légitime défense et répliquent aux troupes marocaines qui essaient de continuer leurs marches en dehors du mur de défense qui constitue la ligne de démarcation », a déclaré Mohamed Salem Ould Salek, interrogé au téléphone depuis Alger.
« La guerre a commencé. Le Maroc a liquidé le cessez-le-feu » signé en 1991, a ajouté le ministre.
« Autonomie sous contrôle »
La région de Guerguerat a déjà été au centre de vives tensions entre le Polisario et le Maroc, notamment début 2017. Les indépendantistes sahraouis dénoncent l’existence de cette route que Rabat considère comme essentielle pour ses échanges avec l’Afrique subsaharienne.
Rabat, qui contrôle 80 % de l’ancienne colonie, ses gisements de phosphate et ses eaux poissonneuses dans sa partie ouest, le long de l’océan atlantique, veut une « autonomie sous contrôle » du territoire, où de grands chantiers de développement marocains ont été lancés ces dernières années.
Un cessez-le-feu a été signé en septembre 1991 sous l’égide de l’ONU, après seize ans de guerre. Les négociations menées par l’ONU et impliquant le Maroc, le Polisario, l’Algérie et la Mauritanie sont suspendues depuis plusieurs mois. Le Polisario, qui a proclamé une République sahraouie (RASD) au début des années 1980, milite pour l’indépendance et réclame un référendum d’autodétermination.
Plus au nord, en territoire algérien, se trouvent des camps où vivent des réfugiés entièrement dépendants d’une aide humanitaire en diminution, selon l’ONU qui s’inquiète dans sa dernière résolution de leurs « souffrances persistantes ».
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