Regroupant l’essentiel des partis politiques de l’opposition, l’Alliance Electorale de l’Opposition Démocratique (AEOD) peine toujours à accoucher d’un candidat unique pour la présidentielle prochaine. Elle s’y était pourtant engagée, depuis bien longtemps, mais après des mois et des mois de gestation, ses divers camps n’arrivent toujours pas à s’entendre sur le choix d’un seul candidat. Pathétique spectacle… Les militants de l’opposition et, même, de certains segments de la majorité escomptaient une alternative crédible et une alternance démocratique qui permette, au pays, de se débarrasser du régime des kakis qui ont mis le pays sous coupe réglée, depuis 1978. Leurs aspirations semblent aujourd’hui s’estomper, à moins que les acteurs politiques de ce pôle politique essentiel à la démocratie mauritanienne, réussissent à se surpasser. Difficile cependant de s’accrocher à ce mince espoir, même si l’AEOD a réussi, en tout cas jusque ici, à maintenir ce que d’aucuns considèrent comme une « unité de façade ». Contre vents et marées, dirait un autre…
Pour se présenter à la présidentielle de 2019, avec quelque chance de succès, l’opposition avait fait le constat de l’impérieuse nécessité d’une candidature unique. Cela impliquait de s’entendre, tout d’abord, sur un programme de gouvernance. Mais, très vite, la commission s’est focalisée sur le choix du candidat, reléguant, au second plan, le programme commun de gouvernement. Une approche qui a semé le doute, chez nombre de leaders de l’AEOD qui se sont mis à ne plus vendre bien cher le projet de candidature unique. Selon leur analyse, les partis politiques sans candidat possible à la présidentielle n’accepteraient pas l’émergence de potentiels concurrents et, traînant les pieds, joueraient sur le pourrissement, en prêchant une candidature externe.
Les faits semblent leur donner raison. Tout paraissait bien aller, jusqu’à l’entrée en lice de l’ex- PM, Sidi Mohamed ould Boubacar. Particulièrement inattendue – l’intéressé n’ayant jamais, c’est le moinsqu’on puisse dire, brillé dans l’opposition – cette candidature a beaucoup perturbé les plans de celle-ci et de divers de ses leaders qui se sont battus, des années durant, contre le pouvoir en place. Ils espéraient, en briguant la magistrature suprême, sortir de l’ombre. Un légitime aboutissement, au demeurant, quelle que soit l’issue de la bataille. L’opposition n’a de sens que si elle aspire au pouvoir, par la voie des urnes. « Comment donc s’être si longtemps battue, en ce sens, pour ne servir, enfin de compte et sur un plateau d’argent, le pouvoir qu’à un intrus ? », s’est interrogé l’un des leaders de l’opposition. Ce n’est donc pas peu de dire que l’entrée en scène d’Ould Boubacar a dérangé l’AEOD, même s’il a, semble-t-il, séduit certains partis de celle-ci. Dérangement puis carrément blocage des tractations au sein de l’Alliance, les soutiens à l’ex-PM n’hésitant d’autant moins à déclarer que leur candidat aurait, croient savoir certains, l’appui d’Ould Bouamatou, le célèbre homme d’affaires et opposant d’Ould Abdel Aziz, très influent auprès de l’opposition mauritanienne.
Père, garde-toi à droite ! Père, garde-toi à gauche !
Autre problématique, la candidature même d’Ould Ghazwani qui pourrait, à en croire certaines confidences, compter sur le soutien d’une partie de ladite opposition. On suspecte notamment un des grands partis de celle-cide lorgner de ce côté, avec, à la clé, un deal qui l’amènerait à contribuer à diviser sa famille politique. Il est en tout cas certain que l’échec de l’AEOD profiterait à Ghazwani qui se présente en « candidat indépendant ». Même si l’un des leaders dudit parti suspecté a déclaré qu’aucune rencontre n’a eu lieu avec le candidat déclaré de la majorité, de forts soupçons demeurent. Tout comme, d’ailleurs, sur la sortie du bois de l’ex-PM d’OuldTaya, logé à la même enseigne.
Une chose est certaine : les partis politiques de l’opposition affichent et étalent leurs divergences sur la place publique, compliquant les chances de compromis au sein de l’AEOD. Quand le vice-président de Tawassoul déclare que l’AEOD a circonscrit son choix autour de deux candidats : Ould Bettah et Ould Boubacar ; le parti Sawab rectifie, dans un communiqué : « Trois choix ont été déposés, lors de la dernière réunion de la coalition des partis de l’opposition ; à savoir, le député Biram Dah Abeid, maître Mahfoudh ould Bettah et, de l’extérieur de la coalition, Sidi Mohamed ould Boubacar ». Gros nuages donc sur l‘unanimité autour d’un candidat unique et la déclaration du RFD, affirmant qu’il n’a refusé aucun des candidats, révèle combien les divergences sont profondes.
Mais, au final, le véritable problème de l’Alliance semble être le nerf de la guerre. Notre remarque précédente au sujet de Bouamatou le signalait déjà : les partisans de la candidature externe expliquent que l’opposition ne dispose pas de moyens financiers pour battre campagne et qu’elle a besoin d’un candidat assuré d’autres forces. Le pouvoir au prix de l’espoir ? Le choix d’Ould Boubacar– ou de tout autre de son acabit – pourrait bien enterrer définitivement l’espérance que l’opposition avait, jusqu’ici, réussi à susciter. La démocratie mauritanienne ou ce qui en tient lieu en sortirait notablement altérée. Car à quels désespoirs, alors, les militants se verraient-ils abandonnés ?
DL (Le Calame)