S’il y a un fait que personne ne parvient à expliquer, c’est l'étonnant silence de la France, sur la dérive autoritaire que connaît la Mauritanie, depuis quelques mois.
En effet, ni l'incarcération, le 12 Mai 2017, en pleine session parlementaire et malgré son immunité parlementaire, du sénateur Ould Ghadde, pour un banal accident de circulation, ni le référendum anticonstitutionnel du 5 Août dernier, ni l'emprisonnement ou la mise sous contrôle judiciaire de treize sénateurs, de quatre journalistes, de deux leaders syndicaux et autres hommes d'affaires, n'a suscité le moindre intérêt de la part de la France, encore moins la moindre protestation.
Peut-on croire qu’Aziz trompe, aujourd'hui, Macron et Le Drian, comme il trompa, en leur temps, Hollande et Fabius? La France a-t-elle oublié les déclarations de celui-ci, à Bamako, affirmant, sûr de lui, que la Mauritanie allait envoyer, incessamment, dix-huit cents soldats au Nord- Mali, pour appuyer les forces françaises et tchadiennes qui combattaient les Salafistes violents ? C'était en Mars 2013.
Le 18 Avril suivant et devant le Parlement européen, cette fois, Fabius chantait le même refrain. Ould Abdel Aziz se moquait-il délibérément des Français, en leur faisant miroiter un soutien qu’il n’avait nullement l’intention de fournir ?
Le fait est que, malgré ces propos du ministre des Affaires étrangères de la France, membre permanent du Conseil de sécurité et puissance économique et militaire mondiale, le prétendu « allié indéfectible » n'a jamais dépêché le moindre soldat au Nord-Mali, pour appuyer les forces engagées sur le front de la lutte anti-terroriste.
Aujourd'hui, Ould Abdel Aziz viole la Constitution et emprisonne à tour de bras. L'Allemagne proteste, l'ambassade des Etats-Unis communique et regrette, le Haut-commissariat des Nations Unis aux droits de l'homme écrit. Mais ni l'ambassade de France à Nouakchott ni le quai d'Orsay ne réagissent.
Ils restent de marbre ; un silence que les démocrates mauritaniens commencent à interpréter comme un feu vert donné, à l’homme des coups d’Août, pour asseoir le pouvoir de son clan sur la pauvre Mauritanie....Et lorgner, pendant qu’on y est, sur un troisième mandat ?
Pourquoi donc la France tient-elle à le ménager, par-dessus, et ne rien faire ou dire qui fâche le pouvoir en place, ici comme au Togo, au Gabon, au Congo, au Tchad ? Les intérêts économiques priment-ils sur tout le reste ? La Françafrique s’est-elle totalement diluée dans la France-à-fric ? Figée dans l’illusion des pseudo-stabilités autoritaristes, mères pourtant récurrentes des pires instabilités ?
Il est, en tout cas, symptomatique que partout en Afrique, malgré les dérives, les élections truquées, la mise à sac des maigres ressources de pays pauvres, la corruption érigée en mode de gouvernance, la mainmise de clans mafieux, la France reste impavide. Elle n’a tapé, à aucun moment, du poing sur la table, pour dire : « Basta ! »
Non-ingérence ne signifie pas incapacité. C’est à de moins en moins long terme que cette léthargie est létale, pour l’image de la France. D’ex-puissance coloniale à ex-puissance internationale, il n’y a que la pente du laisser-faire.
Sans vision – et, surtout, pratique – d’un grand projet français, enthousiasmant pour les foules africaines, il ne restera bientôt du coq gaulois que quelques plumes au sol, fanées, même plus bonnes à amuser les enfants. On ne peut pas être et avoir été..
Ahmed Ould Cheikh (Le Calame)