«Pour la campagne agricole 2016, les deux périmètres rizicoles de Kaédi, PPGI et PPGII, qui couvrent plus de 3000 hectares et qui constituent l’unique source de revenus de la majorité de cette ville située au sud de la Mauritanie, au bord du fleuve Sénégal, n’ont pas été exploités. Cette situation expose environ 15 000 ménages à une crise alimentaire… ».
C’est le cri d’alarme lancé samedi 05 février à Nouakchott par des exploitants de ces périmètres accompagnés par le réseau des organisations nationales mauritaniennes pour la sécurité alimentaire (ROSA) partenaire d’Oxfam Intermoon et de la Coopération espagnole.
Les exploitants demandent une aide d’urgence pour faire face à cette crise. Cette situation, préviennent les exploitants, « peut menacer la cohésion sociale sans une aide d’urgence. »
Les exploitants lancent un appel pour « une assistance alimentaire et pastorale d’urgence aux populations directement touchées à Kaédi, Djewol, Ganki, LEXEIBA…Une campagne de contre saison d’urgence prenant en compte la dimension familiale des exploitations rizicoles et l’organisation d’une rencontre entre les représentants des paysans et les hautes autorités pour faciliter la mise en œuvre de ces mesures. »
L’objectif de cette alerte est, selon Baliou Coulibaly, exploitant, « d’amener l’opinion nationale à comprendre la situation dramatique des paysans qui sont souvent taxés de mauvais payeurs, de paresseux bénéficiant de financements. » Depuis presque 20 ans, ajoute-t-il «l’agriculture ne nourrit pas son homme dans cette zone. » Ainsi « en 1978 les paysans récoltaient jusqu'à 08 tonnes par hectares. Actuellement, ils trouvent en moyenne, à peine trois tonnes par hectares. »
Cette baisse des rendements "résulte de problèmes structuraux comme le non respect du calendrier cultural, la spéculation sur les intrants, le manque d’encadrement, les inondations, les pressions aviaires..." Et « les agriculteurs cultivent à perte parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire et paient leurs redevances pour ne pas perdre leurs terres. »
A l’approche de la campagne 2016, environs 80% des exploitants s’étaient acquittés de leurs redevance. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de campagne ? « La CDD dont dépend le CAM (crédit agricole de Mauritanie) a exigé le remboursement à 100% » expliquent les exploitants. Niang Samba Djiby, président des agriculteurs du Gorgol a indiqué qu’en octobre 2016 « les autorités ont demandé aux exploitants de démarrer la campagne, mais ces derniers, compte tenu du retard accusé, ont dit non pour ne pas avoir à récolter de la paille a la place du riz, et s’endetter inutilement.»
Les exploitant demandent « une campagne contre saison ne serait-ce que pour récolter du fourrage pour le bétail. » Monsieur Niang a déclaré « si une ville et ses environs qui ne vivent que de l’exploitation de périmètres une fois par an, n’exploite pas, il y a forcément crise. »
Il a expliqué que compte tenu du caractère vivrier (agriculture de subsistance) des périmètres rizicoles de Kaédi, il ne faut pas faire du recouvrement des créances, comme c’est le cas pour l’agrobusiness, une condition pour l’entame de nouvelles campagnes.
Tidjane Diagana, exploitant, a insisté sur les difficultés structurelles de ces perimètres. Pour lui, ces difficultés ont commencé avec le système des coopératives. Il a aussi mis l’accent sur « la politisation des comités de gestion qui ont des agendas autres que le développement de l’agriculture. » Pour traiter de ces questions structurelles, il a été proposé, au-delà de l’urgence, d’engager une réflexion approfondie dans les jours ou les mois à venir.
Pour la campagne agricole 2013-2014, « la Mauritanie a produit 293 000 tonnes de riz paddy. » Cette production, selon les responsables du ministère de l’agriculture « couvre 70 à 80% des besoins en riz des mauritaniens. » Cette « importante production » ne vient certainement pas des périmètres sinistrés de Kaédi.
Khalilou Diagana (QDN)