
Les inondations qui ont frappé le village de Tweyjikjit, dans la commune de Sangrava (wilaya du Brakna), mettent en lumière une triste réalité : la politique routière de l’État, incarnée ici par la société nationale d’entretien routier ETER, sacrifie la sécurité et les biens des citoyens au profit d’une vision étriquée de l’infrastructure.
Une route ouverte… mais des maisons englouties
Selon les habitants, les travaux effectués récemment par l’ETER pour maintenir la circulation ont eu pour conséquence directe de bloquer le lit naturel des eaux de ruissellement. Résultat : les crues se sont déversées sur les habitations, provoquant destructions et déplacements forcés. Des dizaines de familles ont perdu leurs biens, certaines se retrouvent sans abri, et les personnes âgées figurent parmi les plus exposées.
« L’État a choisi de protéger la route, mais au prix de nos vies », résume amèrement un villageois.
Des promesses trahies
Le maire de Sangrava, Mohamed Abdallah Ould Ibrahim, confirme lui-même que l’ETER n’a pas respecté ses engagements. L’entreprise avait promis la construction d’un passage provisoire sécurisé et la consolidation d’un petit barrage censé détourner les eaux hors du village. Ces engagements n’ont jamais été tenus. Pire, les travaux réalisés ont aggravé la vulnérabilité de tout le versant sud-ouest de la localité.
Les autorités locales avaient pourtant alerté dès le début de l’hivernage, mais leur voix est restée lettre morte face à l’indifférence technique et administrative.
Quand l’intérêt public est instrumentalisé
L’ironie tragique de la situation tient dans le fait que ce tronçon routier ne dessert pas seulement Tweyjikjit : il constitue une voie stratégique reliant quatre wilayas densément peuplées et permettant les échanges avec les localités voisines. Autrement dit, au nom de « l’intérêt national », on a transformé une communauté entière en zone tampon face aux crues.
Cette logique est révélatrice d’un mépris institutionnalisé : l’infrastructure est pensée comme une fin en soi, non comme un service public au bénéfice des citoyens.
Une catastrophe annoncée
Les événements de Tweyjikjit ne sont pas un accident isolé mais l’illustration d’un modèle de gestion routière défaillant, où la précipitation, le bricolage et l’absence de concertation mènent inévitablement au désastre. L’ETER, censée être garante de la sécurité des routes et de leurs usagers, devient ici l’artisan d’un drame humain.
La complaisance des autorités, qui se contentent d’envoyer des machines sans suivi sérieux, démontre un manque criant de responsabilité et une gestion purement réactive des crises.
Pour une autre culture des travaux publics
L’affaire de Tweyjikjit appelle une remise en question profonde : il est urgent que la Mauritanie cesse de considérer les infrastructures comme des vitrines politiques et commence à les intégrer dans une approche globale de sécurité, d’environnement et de protection civile.
Car une route qui met en danger les villages qu’elle traverse n’est pas un progrès : c’est un monument d’indifférence et de négligence.