Il y a trois semaines, cent jours s’étaient écoulés depuis la nomination du gouvernement dirigé par le Premier ministre Mokhtar Ould Djay. Celui-ci avait promis de lutter contre la corruption, de réaliser une longue liste de projets ambitieux avant la fin de l’année et d’améliorer les services publics tout en réduisant les prix des produits de base.
Lors des élections présidentielles, le Président de la République avait également promis un mandat pour la jeunesse, par la jeunesse, et l’exclusion de "tous ceux qui tendent la main vers les fonds publics".
Dans quelques jours, nous célébrerons l’anniversaire de l’indépendance nationale, souvent marqué par une avalanche de cérémonies folkloriques pour inaugurer des infrastructures fictives, abandonnées depuis longtemps ou destinées à ne jamais être achevées. Ces événements s’accompagnent d’une propagande grossière qui, en répétant des contre-vérités, espère les faire passer pour des faits. Mais cela ne fait qu’aggraver la colère populaire, miner la confiance dans le gouvernement et discréditer l’État auprès des citoyens et des partenaires internationaux.
Les cent jours du gouvernement Ould Djay ne se contentent pas d’être décevants : ils suscitent une profonde inquiétude quant à l’avenir des institutions de l’État et des valeurs de transparence, d’efficacité et de respect des biens publics.
Un gouvernement sans cap ni programme clair
Dès la formation de ce gouvernement, certains cadres mauritaniens avaient été sollicités en urgence pour proposer des idées réalisables en cent jours, dans le but de donner l’illusion d’un bilan concret passé ce délai. Cela révèle l’absence d’un programme clair, d’un plan d’action précis, et un penchant marqué pour l’improvisation.
Voici un résumé des échecs les plus flagrants du gouvernement Ould Djay, masqués maladroitement par une propagande exagérée, des inaugurations théâtrales et un discours de flatterie qui envahit l’espace public au détriment de tout débat constructif :
1. Échec de la baisse des prix du ciment
En Mauritanie, le prix du ciment dépasse de 50 % au moins celui des pays voisins. Cette situation est due à un monopole sur l’importation, contrôlé par des intérêts privés. Plutôt que de briser ce monopole en permettant une concurrence réelle, le Premier ministre a préféré négocier avec le cartel, admettant ainsi l’impuissance de l’État à appliquer la loi. Résultat : une baisse de prix temporaire pour les grossistes, mais aucun impact pour les citoyens.
2. Réduction des prix des produits de base : une farce
Le gouvernement a annoncé un accord avec les fournisseurs pour réduire les prix de produits essentiels. Cependant, cette décision administrative, ignorant les mécanismes économiques de marché, a été tournée en dérision par les citoyens. Les vendeurs suggèrent ironiquement d’aller acheter "au plus proche magasin de Ould Djay" pour trouver les prix annoncés.
3. La modernisation fictive de Nouakchott
Présenté comme un projet structurant, le programme de modernisation de Nouakchott s’est avéré n’être qu’un assemblage de projets annuels ordinaires de différents ministères, renommés pour l’occasion. Ce programme ne comprend que des infrastructures de base (écoles, centres de santé, réseaux d’eau et d’électricité) alors que la capitale souffre de problèmes bien plus graves, comme l’absence de réseau d’assainissement et un approvisionnement en eau et électricité insuffisant.
4. Projets inachevés et fausses inaugurations
Malgré des promesses sensationnelles, les projets routiers et les infrastructures restent largement inachevés, tandis que les inaugurations actuelles ne servent qu’à couper des rubans devant des structures fictives, abandonnées dès que les caméras disparaissent.
5. Une lutte contre la corruption inexistante
Alors que la lutte contre la corruption avait été annoncée comme une priorité, aucune action concrète n’a suivi. Les missions d’audit disparaissent mystérieusement, et des personnalités notoirement corrompues continuent à être promues à des postes clés.
Conclusion
En célébrant l’indépendance nationale, nous constatons :
- Un État pris en otage par un petit lobby opportuniste, dépourvu de compétence et de vision.
- Un gouvernement qui remplace les réalisations concrètes par une propagande médiatique stérile.
- Une gouvernance qui mise sur l’intimidation, la répression des critiques et l’exclusion des opposants.
Ces pratiques ne font que creuser l’écart entre le peuple et ses dirigeants, annonçant une tempête politique aux conséquences imprévisibles.
Yahya Loud
Député