Depuis la récente visite de Pedro Sánchez, Chef du Gouvernement du Royaume d’Espagne et Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission Européenne en Mauritanie ; les réseaux sociaux se sont enflammés en relayant de fausses informations sur l’arrivée imminente d’une horde de migrants clandestins dans le pays.
Il faut dire que la position stratégique de la Mauritanie, à une heure et demie de vol de Las Palmas, et ses 700 kilomètres de côtes sur l'Océan Atlantique a fait du pays une zone de transit privilégiée pour les candidats à la migration clandestine. Selon les données de plusieurs organisations non gouvernementales, les îles Canaries ont enregistré l’arrivée de 11 932 migrants irréguliers au cours des deux premiers mois de 2024, dont la grande majorité ont passé par les côtes mauritaniennes.
Ceci étant, des discutions au plus haut niveau ont été entamées avec ces deux responsables européens sur les questions du défi de la migration clandestine et des opportunités que la Mauritanie offre dans le cadre du Global Gateway, ainsi que des potentialités, en termes de ressources naturelles et d'opportunités d'investissement pour les pays de l'Union Européenne.
Dans ce cadre, Ursula von der Leyen avait affirmé que l’Union Européenne va augmenter son soutien pour la sécurité en Mauritanie, avec plus de 22 millions d’euros additionnels, ce qui fera 40 millions pour l’année. Ce montant est destiné à l’équipement d’un nouveau bataillon mauritanien pour lutter contre le terrorisme et sécuriser la frontière orientale avec le Mali.
Dans la même lancée, elle avait déclaré qu’une enveloppe financière de plus de 210 millions d’euros sera mobilisée, d’ici à la fin de l’année, pour la gestion de la migration, pour l’aide humanitaire pour les réfugiés, mais aussi pour les investissements dans l’emploi, les compétences et l’entreprenariat.
Il n’a pas fallu moins que ça pour que les réseaux sociaux s’en donnent à cœur joie, avec des hypothèses les plus saugrenues soutenant que la Mauritanie sera envahie par des vagues déferlantes d’immigrés refoulés par l’Europe, avec tout ce que cela comporte comme défis sécuritaires et concurrence déloyale sur le marché local du travail.
Cependant, la réalité est bien différente. En effet, l’Union Européenne avait déjà essayé de signer des accords avec l’Algérie, la Lybie, le Maroc, la Tunisie et la Turquie pour limiter l’arrivée de migrants clandestins dans le vieux continent. Ces accords ont abouti seulement avec deux pays : la Tunisie qui a réfuté la présence de zone de rétention sur son territoire alors que la Turquie avait accepté le principe contre d’énormes compensations financières.
Pour la Mauritanie, rien n’est encore joué ! Et l’éventuelle mise en place de zones de rétention dans le pays n’est pas à l’ordre du jour. Nous voyons mal la Mauritanie accepté ce principe et ternir ainsi sa réputation dans l’Afrique subsaharienne où des centaines de milliers de ses ressortissants s’adonnent au commerce.
Dans le pire des cas, si la Mauritanie tolère des zones de rétention sur son territoire, les malheureux pensionnaires ne feront que transiter pour retourner chez-eux ; et ne seront, en aucun cas, lâcher en ville.
L'Ambassadeur de l'Union européenne à Nouakchott, lui-même, a précisé récemment qu’il ne s’agissait, pour le moment, que d’une déclaration de politique générale, et que l’UE ne cherchait pas à installer des immigrants en Mauritanie, ni à établir de nouvelles zones d'accueil de réfugiés sur son territoire, ni non plus à les accueillir.
Si la question de la migration clandestine continue de faire le buzz sur les réseaux sociaux, et même faire l’objet de noyaux de manifestations, c’est à cause de la carence de communication du gouvernement mauritanien. Un podcast en Hassaniya du journaliste Hacen Lebatt sur cette question a fait plus de bien que toutes les mises au point officielles.
De là à affirmer que les langues nationales sont le tremplin idéal pour toucher le maximum de Mauritaniens sur des questions épineuses comme la migration clandestine, il n’y a qu’un pas que nous franchirons allégrement. Alors, vivement que les autorités donnent une place privilégiée aux langues nationales en matière de communication !
Med Ahmed