Eveil Hebdo - Dans une dizaine de jours, les Mauritaniens commenceront le ramadan. Un mois de jeûne qui survient au moment où les ménages font face à une flambée de prix des denrées de base.
Le riz, l’huile, le sucre, la viande… et j’en passe, tous les produits de grande consommation sont montés en flèche en l’espace de quelques mois dans une indifférence quasi-générale, du pouvoir comme de l’opposition, qui sont plutôt préoccupés par la préparation des élections prévues au mois de mai.
Quelles promesses pourraient faire les candidats à des électeurs qui sortent juste d’un mois où ils auront tiré le diable par la queue jusqu’au dernier poil ?
Le mois sacré de Ramadan approche à grands pas, les ménages mauritaniens affichent toutefois des préoccupations quant à la flambée des prix qui les afflige.
Face à un contexte social fort déprimant à cause de la hausse des prix qui touche principalement des produits de première nécessité, le gouvernement a certes affiché sa détermination à renforcer les filets de protection sociale, à travers les mécanismes de soutien au pouvoir d’achat des citoyens, et ceux de contrôle et de suivi pour traquer les spéculateurs. Mais, ce ne sont pas les fameuses «boutiques ramadan» qui soulageront les consommateurs.
De belles promesses…
Se disant à l’écoute des doléances des ménages dans ce contexte de cherté de vie, due notamment aux retombées inflationnistes de la crise économique mondiale et aux perturbations des chaînes d’approvisionnement, du fait de la guerre russo-ukrainienne, le gouvernement entend déployer avec plus d’énergie les leviers de contrôle et de suivi. Le gouvernement a promis, à l’issue d’un de ses Conseils, un retour progressif des produits alimentaires aux prix normaux grâce aux mesures prises.
De même, plusieurs ministres sont venus confirmer une amélioration des prix et un approvisionnement normal des produits alimentaires de base. Les prix des viandes rouges n’ont pourtant connu aucune baisse. Au contraire, dans certains endroits, ils ont même connu une nouvelle hausse. Ainsi, un kilogramme de viande de veau se négocie entre 2 400 UM (anciennes) et 2 600 UM, contre 2 000 UM il y a encore quelques mois.
Les oignons sont passés à 500 UM le kilo tandis que le carton d’huile de 15 litres est vendu à 15 000 UM, contre 7 500 UM il y a à peu près une année !
« Nous risquons de rompre notre jeûne avec de la musique »
«À vrai dire, rien n'est abordable actuellement, toutes les denrées alimentaires sont chères. Avant, j'achetais un carton d’huile de 15 litres à 7 500 UM (anciennes) aujourd'hui, il coûte entre 14 000 et 15 000 UM. Et il en est ainsi pour tous les produits. Si cette situation perdure et n'est pas résolue avant le ramadan, nous risquons de rompre notre jeûne avec de la musique », lançait en guise d'avertissement, un père de famille désabusé.
La Mauritanie comme une grande majorité de pays d'Afrique connaît une hausse des prix des denrées de première nécessité. Une situation qui inquiète les consommateurs qui, pour la plupart, pointent du doigt, l’inertie des autorités face à la «cupidité» des commerçants.
«Ce n'est pas un problème lié à la guerre en Ukraine ou au COVID. Bien ces deux événements, les prix ont toujours augmenté dans notre pays. Le chef de l'État n'a qu'à trouver une solution », insiste une autre jeune femme.
Le Fonds monétaire international a récemment expliqué que si l'inflation dans ce pays a été maîtrisée en Mauritanie, les prix des produits alimentaires ont augmenté un peu plus vite. L'institution relève que la hausse des prix mondiaux des produits alimentaires et de l'énergie provoquée par le conflit s'ajoute «aux séquelles de la pandémie, à l'insécurité régionale et à l'augmentation des revendications sociales à l'approche des élections parlementaires de mai».
«Tous ces éléments accroissent les risques de ralentissement de la croissance économique et se traduiront probablement par une aggravation des pressions inflationnistes et une augmentation considérable des dépenses publiques», estime-t-il également.
Constat généralisé : C’est partout pareil !
L'inquiétude est généralisée. La Russie et l'Ukraine font partie des principaux exportateurs mondiaux de produits agricoles, comme le blé, l'huile végétale et le maïs. Mais la perturbation des flux d'exportation résultant du conflit entre les deux pays fait craindre une crise mondiale de la faim, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique.
En Algérie, les autorités tentent ces derniers mois de limiter la hausse des prix des produits alimentaires. L'État a annoncé l'ouverture de 1 200 points de vente pour faciliter les achats des familles afin de leur permettre d'assurer le ftour, le repas de rupture du jeûne. Mais les effets de ces annonces sont peu visibles, sur les marchés, la flambée des prix touche déjà les fruits, les légumes et les viandes, rapportent les médias locaux. Même constat au Maroc, sous l'effet de la flambée des prix des matières premières à l'international, ces derniers mois, le pays connaît une inflation croissante, qui a d'abord touché les carburants, puis le transport, pour finalement impacter les produits alimentaires.
Ainsi, l'indice des prix des produits alimentaires a augmenté de 5,5 % en une année. L'huile, le poisson, les céréales, les fruits, les légumes : tous les aliments de première nécessité sont touchés.
Le Maroc est aussi dépendant de la Russie et de l'Ukraine pour de nombreux produits, et comme il est touché par une très forte sécheresse, le royaume pourrait être obligé d'importer davantage. Dans ce contexte, le gouvernement multiplie les subventions aux secteurs concernés, tels les transporteurs routiers. Il agit aussi depuis des semaines contre les pratiques de spéculation autour de certains produits.
En Tunisie, les associations caritatives, qui multiplient la collecte de produits alimentaires en faveur des familles démunies, sont en manque de dons à cause de la dégradation de la situation socio-économique. « D'habitude, nous avons un chariot rempli au bout d'une heure, ce n'est pas le cas cette année », dit Mohamed Malek, un étudiant de 20 ans bénévole pour une association. « Il y a même des gens qui nous disaient : “Trouvons d'abord de la nourriture pour nous.” », ajoute-t-il.
En tout état de cause en Mauritanie, où l’attention des populations était focalisée ces derniers jours sur «l’affaire Souvi» puis sur la traque des terroristes qui s’étaient échappés de la prison civile de Nouakchott, le réveil risque d’être brutal à quelques jours du début du ramadan.
Sikhousso