RFI Afrique - Les dirigeants ouest-africains de la Cédéao ont décidé de fermer les frontières aériennes et terrestres avec le Mali et de mettre le pays sous embargo.
Au-delà de l’impact sur l’économie malienne, ces mesures devraient aussi avoir des conséquences au Sénégal voisin : le Mali est son premier client commercial. Chaque jour, des centaines de camions empruntent le corridor Dakar-Bamako sur plus de 1 300 kilomètres. Un axe stratégique pour le Mali, pays enclavé, largement dépendant du port de Dakar pour ses importations.
Et stratégique pour le Sénégal : l’an dernier, 21% de ses exportations étaient destinées au Mali, selon l'Agence nationale de la statistique).
« Cela va être extrêmement compliqué pour le budget du Sénégal, parce qu'un budget, c'est des prévisions de recettes. Recettes qui devaient venir des importations maliennes. Le Sénégal se tire une balle dans le pied. On sanctionne une économie aussi fragile que l'économie malienne. Mais en sanctionnant le Mali, on sanctionne le Sénégal aussi », constate Khadim Bamba Diagne, économiste et enseignant chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Depuis l’annonce des sanctions, dimanche 9 janvier au soir, Gora Khouma, secrétaire général des transporteurs routiers du Sénégal, reçoit de nombreux appels. « Nous sommes inquiets, parce que 80% du fret malien passe à Dakar. Le port de Dakar ravitaille le Mali. Si c'est fermé, ça va nous porter préjudice », craint-il.
La suspension des échanges décidée par la Cédéao ne concerne pas les produits alimentaires de grande consommation, le matériel médical ou encore les produits pétroliers.
La Mauritanie entre deux eaux
Le coup est donc dur pour le Mali, qui ne dispose pas non plus d’accès à la mer. Parmi les rares portes de sortie, reste la Mauritanie voisine. Hier, le président mauritanien s’est entretenu au téléphone avec Nana Akufo-Addo, le président en exercice de la Cédéao.
D'après l'agence mauritanienne d'information, c'est Nana Akufo-Addo qui a pris l'initiative de cet appel. Mohamed ould Ghazouani a écouté les arguments du médiateur et rappelé le souci de la Mauritanie de voir les frères maliens surmonter les difficultés actuelles.
Il faut dire que les relations économiques entre les deux pays sont étroites et anciennes. À dix kilomètres au sud du port de Nouakchott se trouve même un carrefour Bamako. Le Mali utilise un accès mauritanien à la mer pour exporter ses produits comme la gomme arabique et importer des produits manufacturés. Les frontières terrestres sont également très empruntées, notamment pour le commerce de bétail.
La Mauritanie, pour sa part, n'a pas beaucoup d'autres choix que d'aider le Mali, explique Abdallahi Ould Awa, professeur d'économie à l'université de Nouakchott. Elle ne peut pas l'asphyxier, leurs relations et intérêts sont trop étroits, conclut-il.
Mais la Mauritanie a tout intérêt aussi à conserver des relations cordiales avec la Cédéao à qui elle fait du pied depuis plusieurs années. En 2017, Nouakchott a notamment signé avec la commission de la Cédéao un accord d'association pour accélérer son intégration économique à la sous-région.
Enfin, côté guinéen cette fois, Conakry – dont la junte est, elle aussi, dans le collimateur de la Cédéao – maintient ses frontières ouvertes « avec ses pays frères conformément à sa volonté panafricaniste ». C'est ce qu'a annoncé lundi soir le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) dans un communiqué officiel de la présidence guinéenne.
« Les frontières aériennes, terrestres et maritimes de la République de Guinée restent toujours ouvertes à tous les pays frères conformément à sa vision panafricaniste », a affirmé Lieutenant-colonel Aminata Diallo, porte-parole du CNRD.
Avec notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac