Le Calame - En fin stratège, Macarthur, disait : « Toutes les défaites se résument en deux mots : trop tard ». Le célèbre général américain voulait dire par là, qu’il faut toujours anticiper les événements sous peine de perdre la partie.
Au-delà du domaine militaire, cette affirmation s’applique, naturellement, à tous les domaines de l’activité humaine. Transposés à la Mauritanie, ces propos prennent encore plus de relief. Dans cette optique, les gouvernants mauritaniens – sous peine de perdre la partie – devront, sans tarder, sortir de la torpeur et de la léthargie dans lesquelles baigne le pays depuis plusieurs décennies déjà. Et ce dans l’indifférence quasi générale.
Pour se faire, ils devront fendre l’armure et prendre à bras le corps les problèmes gravissimes pendants qu’affronte, en sourdine, la nation avant qu’il ne soit, irrémédiablement, trop tard.
Pour l’analyste averti, de multiples dangers se profilent à l’horizon. Face à ces menaces, on a le sentiment, à tort ou à raison, qu’on continue à se complaire dans le confort du moment, sans se soucier, outre mesure, de ce qui pourra advenir demain. Pourtant, le tableau de bord est devant nous et les voyants ne sont pas loin de passer au rouge : Une sous-alimentation chronique qui tend vers le spectre de la famine, une flambée sans précédent des prix des denrées alimentaires de première nécessité, et un pouvoir d’achat de plus en plus faible, avec comme corollaire des conditions de vie très précaires. Sans parler d’énormes déficits structurels en matière, notamment, de santé et d’éducation.
En somme une vraie détresse sociale qui, de surcroît, va crescendo. Ajouter à cela un chômage endémique qui frappe en particulier la jeunesse. Une insécurité galopante, une immigration incontrôlée, une monnaie nationale qui se déprécie alors que nos fabuleuses ressources naturelles avérées ou potentielles : minières, pastorales, agricoles, halieutiques…auraient dû, en toute bonne logique, raffermir le cours de l’ouguiya. Autres handicaps : une administration largement corrompue, une classe politique timorée qui semble en hibernation, une économie exsangue, une sécurité alimentaire soumise aux aléas de la géopolitique, une dette extérieure abyssale, un dialogue national poussif….
Problèmes existentiels
En plus de tout cela, la Mauritanie fait face à des problèmes encore plus inquiétants, lesquels engagent son avenir et son devenir. Ces problèmes existentiels, inhérents à la sécurité nationale mettent, plus que jamais, en péril la pérennité de l’Etat et, au-delà, l’existence même du pays.
Il s’agit d’une superposition de problèmes, à terme, explosifs, qu’on feint, pour le moment, de ne pas considérer outre mesure :
* Problèmes intérieurs épineux, avec le feu qui couve sous la cendre ;
* Contexte géopolitique, particulièrement alarmant à toutes nos frontières ;
* Visées impérialistes, géoéconomiques et géostratégiques de certaines grandes puissances sur la Mauritanie. Une menace angoissante qui pointe, déjà, à l’horizon.
Autant de bombes à retardement qui obstruent, à terme, toute perspective d’avenir. Ces problèmes qu’on a jugés inopportun de développer ici devront, sans tarder, être recensés, examinés, décryptés, étudiés et analysés pour leur trouver les parades appropriées.
Ce travail sera d’autant plus facilité si on adopte la démarche adéquate : anticiper les événements en ayant recours à la prospective. Bannir l’approche tactique qui consiste à naviguer à vue pour surmonter, au jour le jour, les difficultés du moment. En revanche, adopter une vision d’ensemble avec une approche stratégique sur fond d’une adhésion de toutes les composantes de la communauté nationale. Une telle approche transcende, naturellement, les contingences politiques et les intérêts sectaires. Une fois de plus, c’est le recours à la prospective qui pourra servir de planche de salut.
Car dans tout processus de décision, le recours à la prospective est devenu incontournable. La prospective favorise la prise en compte de l’avenir dans les décisions du présent. Elle permet d’anticiper les événements et de se faire une idée précise de l’évolution probable d’une situation donnée. Ce faisant, on peut ainsi envisager, à l’avance, les parades appropriées pour faire face à cet événement. Ceci est d’autant plus important si l’enjeu est l’avenir ou le devenir d’un Etat.
L’heure est grave
Sans jouer au Cassandre, on peut dire que l’heure est grave. On entend déjà, le son encore lointain mais parfaitement audible des sirènes d’alarme qui se rapproche dangereusement. Pour la survie du pays, les Mauritaniens devront, une fois de plus, faire front commun face à toutes ces menaces.
Pour raffermir davantage l’approche proposée plus haut, on devra faire table rase de certains lieux communs, faits et comportements qui sont autant de sentiers battus et rebattus qui figent la réflexion et atrophient l’esprit. Lesquels sont, malheureusement, encore monnaie courante dans nombre de pays en développement :
* Se départir du ton cotonneux et convenu sur fond d’une complaisance coupable quand on aborde une question sensible. De même, l’attitude pleutre et intéressée quand on est sollicité pour un conseil sur un dossier stratégique.
* La cupidité et l’avidité matérielle ambiante ne doivent pas prendre le pas sur l’intérêt supérieur de l’Etat.
* Le pouvoir devra s’ouvrir davantage à la société civile et particulièrement aux intellectuels. Un vivier d’universitaires dont certains, de par leur formation académique pourront, chacun dans son domaine, explorer des pistes de réflexion à même de solutionner nombre de problèmes. Ne jamais perdre de vue un constat : Ce sont les idées qui gouvernent le monde.
* Se rendre à une évidence : la fonction ne confère pas nécessairement la connaissance des dossiers.
Pas de méprise : Au-delà du discours émollient des thuriféraires de tout poil, la Mauritanie est bel et bien dans l’œil du cyclone. Les facultés de discernement les plus élémentaires l’attestent. Le ciel s’assombrit et les signes avant-coureurs de ce phénomène angoissant sont là, à notre porte. Il appartient, désormais, aux Mauritaniens, à tous les niveaux, d’y faire face.
D’aucuns pourront trouver les développements qui précèdent un peu excessifs, voire alarmistes. On leur répondra avec l’historien Ernest Renan : « Dans les moments graves, seul le pessimisme est fécond ».