Le Calame - Le blocage pendant près de trois semaines, par le Front Polisario, de la zone tampon d’El Gargaratt, entre les frontières du Maroc et de la Mauritanie, a provoqué une pénurie sans précédent de fruits et de légumes sur le marché mauritanien.
Pour ne citer qu’un légume, le kilogramme de tomate frôlait les 300 MRU, un record historique. Le cabas de la ménagère revenait désespérément vide. On aurait pu ne pas en arriver là.
Avec des milliers d’hectares de terres fertiles et de l’eau en abondance, notre pays, après 60 ans d’indépendance, pouvait être autosuffisant en produits agricoles de qualité et même générer d’importantes rentrées de devises en en exportant une partie.
L’État a certes investi des dizaines de milliards dans le secteur à travers le Crédit agricole mais les résultats sont toujours restés très en-deçà des espérances. Débloqué à tour de bras, l’argent servait à tout… sauf à l’agriculture. Et l’État a continué à actionner la pompe à fric jusqu’à n’en plus pouvoir.
Avec un peu de discernement, il aurait pourtant pu encourager le secteur privé à investir dans le secteur, sans débloquer autant d’argent dont il ne reverra plus jamais la couleur. En octroyant des terres à des prix symboliques, en les exonérant d’impôts et en facilitant l’écoulement des récoltes par une surtaxation des produits importés, à l’instar de ce qui se passe au Maroc, il aurait pu encourager les bonnes volontés. Mais il n’en fut rien. Pire, certains ont été dépossédés, par le seul fait du prince, des terres où ils avaient investi des sommes colossales.
Lamentable gâchis
Un exemple éloquent. En 2008, quelques mois après sa prise de pouvoir par la force, Ould Abdel Aziz ordonne à la ministre du Développement rural, Messaouda mint Baham, de reprendre les terres de la plaine de M’Pourié qu’exploitait le groupe Abdallahi Ould Noueygued (AON).
Mais la ministre déclina poliment en plein conseil des ministres, en prétextant que ce n’est pas du ressort de son département. Il faudra attendre 2010 et l’arrivée au ministère de Brahim ould M’bareck (l’actuel vice-président des relations internationales de Kinross-Tasiast) pour que le dossier soit relancé. Ould Abdel Aziz se rappelle subitement que ses ordres n’ont pas été exécutés et ordonne à son ministre de faire le nécessaire.
Brahim ne se fait pas prier. Il prend le chemin de Rosso dès la fin du conseil des ministres. Le lendemain, accompagné du wali et de divers représentants de son département, il supervise lui-même le déracinement de près de dix mille arbres fruitiers et la destruction des cultures de légumes, le tout sur quatre cents hectares.
Le système d’irrigation, dont celui dit de goutte-à-goutte introduit pour la première fois en Mauritanie, fait lui aussi les frais du zèle de Brahim Ould MBareck: il est entièrement détruit. Dix ans plus tard, le groupe AON ne décolère toujours pas, lui qui avait creusé un canal ouvert de vingt-cinq kilomètres (qui profitera aux riverains et aux villageois) pour amener l’eau jusqu’à la plaine, investi des centaines de millions d’ouguiyas en matériel et commencé à fournir le marché local et étranger en fruits et légumes de bonne qualité.
Son président Mohamed ould Noueygued a toujours ce gâchis en travers de la gorge. « Comment voulez-vous qu’on soit autosuffisant quand l’État déconstruit au lieu de construire ? », s’interroge-t-il, «Comment expliquer qu’un ministre de la République, dont le rôle est de promouvoir l’agriculture, fasse lui-même détruire, même si le Président lui en donne l’ordre, toute une plantation comprenant des milliers d’arbres fruitiers? ». On n’en était pas à une contradiction près, en Mauritanie azizienne !
Qu’est-il advenu ensuite de ces terres? Elles ont été cédées aux diplômés chômeurs agrémentées d’un pactole de quelques milliards d’ouguiyas pour les mettre en valeur. Quelques années après, aucun grain de riz n’a été récolté, l’argent s’est volatilisé, tout comme les heureux récipiendaires.
Ben Abdalla