Le prix Nobel de l'économie a été remis cette année au trio constitué d’Abhijit Banerjee, Esther Duflo et Michael Kremer. S'ils sont inconnus au chapitre des grandes théories économiques du moment, ils auront reçu ce prix pour leurs positions visant à mettre en place des stratégies de réduction de la pauvreté via une plus grande justice fiscale dans le monde.
Abhijit Banerjee, un des trois lauréats, estime par exemple qu'on ne peut espérer réduire la pauvreté en accordant autant d’avantages fiscaux. « Vous donnez des incitations aux riches qui sont déjà assis sur des tonnes d'argent », a-t-il fait savoir commentant sa position.
La remise de ce prix intervient dans un contexte où les politiciens comme les acteurs de la société civile internationale, cherchent comment permettre aux Etats de mobiliser davantage de ressources domestiques. Le défi est crucial, particulièrement en Afrique où les besoins et les objectifs sont nombreux, les ressources modestes et l'accès aux marchés des capitaux difficiles et onéreux.
Le continent subit pourtant de fortes pressions de la part des multinationales et des pays investisseurs pour concéder une fiscalité avantageuse. Dans son premier indice des paradis fiscaux pour les entreprises, l'organisation non gouvernementale Tax Justice Network a démontré que les entreprises de pays comme le Royaume-Uni et la France, deux puissances économiques de l'OCDE et membres du G7, sont aussi les plus agressives en Afrique pour l'obtention de fiscalités avantageuses.
Selon de nombreuses études sur les flux financiers illicites, qui ont suivi celle du panel de haut niveau supervisé par l'ex-président Thabo Mbeki, l'Afrique concède une perte nette de près de 50 milliards $ par an dans le cadre des abattements fiscaux. Les gagnants de cette hémorragie sont très souvent les multinationales étrangères.
Idriss Linge (agenceecofin.com)