De nombreux Libanais sont descendus dans la rue, samedi, en cette troisième journée consécutive de manifestations, pour protester contre une classe politique qu'ils jugent corrompue.
Un mouvement inédit paralyse le Liban. De nombreux manifestants se sont rassemblés, samedi 19 octobre, pour une troisième journée de manifestations contre l'incapacité d'une classe politique accusée de corruption à s'attaquer à la crise économique.
En dépit d'une intervention des forces de l'ordre pour disperser dans la nuit la foule devant le siège du gouvernement à Beyrouth et des dizaines d'arrestations, les manifestants se sont mobilisés à nouveau dans la capitale ainsi que dans d'autres villes du pays.
Le matin, l'armée a rouvert des autoroutes en enlevant les barricades dressées par des manifestants, qui n'ont pas tardé à en installer d'autres.
Des volontaires nettoyaient le centre-ville de Beyrouth qui ressemblait à un champ de bataille avec de la fumée se dégageant de pneus et de bennes à ordures incendiés la nuit. Des débris de verre brisé des vitrines de magasins et de banques jonchaient le sol.
70 personnes arrêtées pour "actes de sabotage"
Les services de sécurité ont fait état de "l'arrestation de 70 personnes pour actes de sabotage, incendies et cambriolage dans le centre-ville". Lors des manifestations déclenchées jeudi par l'annonce d'une nouvelle taxe – depuis annulée –, les manifestants conspuent l'ensemble des dirigeants dans leurs fiefs les appelant "voleurs" et déchirant leurs portraits.
Un manifestant a affirmé à un média local, dans un fief du puissant Hezbollah chiite : "Notre combat est contre le confessionnalisme. Nous souffrons depuis 30 ans à cause de la classe politique. Ils essaient de nous présenter comme des canailles, mais tout ce qu'on fait c'est réclamer nos droits".
À Tyr, dans le sud du pays, où le puissant chef du Parlement, Nabih Berri, a été accusé d'escroquerie la veille par les manifestants, des dizaines de ses partisans s'en sont pris samedi aux protestataires, selon un témoin. À Tripoli, située dans le nord du pays, une manifestante, Hoda Sayyour, la cinquantaine, a accusé la classe politique d'avoir "pris nos droits les plus fondamentaux (...)". "Nous sommes en train de mourir aux portes des hôpitaux !", dénonce-t-elle. "Je resterai dans la rue (...) Ils nous exploitent et ne font rien pour améliorer les services."
Corruption et népotisme
Alors que plus du quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque Mondiale, la classe politique, quasi inchangée depuis la guerre civile (1975-1990), est accusée de corruption et de népotisme, cherchant à privilégier les mesures fiscales qui ne compromettent pas ses intérêts.
Elle est aussi accusée d'affairisme dans un pays aux infrastructures en déliquescence (pénuries chroniques d'électricité et d'eau potable) et où la vie est chère. Vendredi, écoles, universités, banques et institutions publiques avaient fermé. Les banques sont restées fermées samedi.
Le Premier ministre, Saad Hariri, a défendu vendredi les réformes qu'il veut faire adopter, en accusant des membres de sa coalition gouvernementale d'entraver ses efforts. Il leur a donné jusqu'à lundi pour se prononcer clairement en faveur des réformes. Il a aussi insinué qu'il n'avait aucun problème à céder sa place à quiconque proposerait une autre solution.
"Deux grands dangers"
Avant lui, le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, gendre du président Michel Aoun, a dit être opposé à une démission du gouvernement, qui pourrait "aggraver" la situation.
Dans un discours, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, poids lourd de la politique libanaise, a accusé, sans les nommer, des responsables de tenter de jeter "la responsabilité sur les autres", semblant rétorquer à Saad Hariri. Il a appelé "à répondre au message retentissant" des manifestants, en saluant "un mouvement populaire (...) qui dépasse les appartenances confessionnelles, régionales ou politiques".
Mais il a affirmé "ne pas soutenir une démission du gouvernement", ainsi que son refus de l'imposition de nouvelles taxes. Le pays fait face à "deux grands dangers : le premier serait l'effondrement financier et économique (...) et le second, une explosion populaire", a-t-il averti.
France24 Avec AFP via cridem