Alors que l’initiative de certains députés de la majorité, visant à modifier la Constitution pour permettre, à Ould Abdel Aziz, de briguer un troisième mandat, battait son plein, la nouvelle tombe net, comme un couperet : un communiqué, signé du président de la République, pourtant en déplacement à l’étranger, remet les pendules à l’heure.
Ould Abdel Aziz ne pouvait-il pas attendre son retour, pour arrêter cette mascarade ? Pourquoi n’a-t-il pas, tout simplement, donné ordre, aux députés, de surseoir à cette pièce de théâtre de mauvais goût ? Outre son caractère urgent, encore inexpliqué, le communiqué recèle une autre anomalie ; et pas des moindres.
Il remercie les députés qui appelaient, ouvertement, au parjure et étaient sur le point d’enclencher un processus dont les conséquences pouvaient être dramatiques pour le pays, et… oublie, tout aussi ouvertement, ceux qui défendent une Constitution dont le président est censé être le garant. Un autisme politique inégalé. Ould Abdel Aziz réitère, une fois de plus, qu’il respectera la limitation des mandats.
Comme s’il ne l’avait pas déjà dit, à plusieurs reprises par le passé, sans convaincre personne. Sa famille et son cercle proche n’ont-ils pas encouragé, pour ne pas dire pensé, l’idée des initiatives à caractère régional demandant un troisième mandat ? Ses cousins n’ont-ils pas démarché les députés, un à un, pour obtenir leur signature en vue de faire passer les amendements constitutionnels ?
Ses flagorneurs, laudateurs et autres lèche-bottes n’ont-ils pas envahi les réseaux sociaux, dans une opération savamment orchestrée, comme pour préparer l’opinion à ce qui s’apparente à un coup d’Etat contre la Constitution ? Qu’on vienne ensuite nous dire que le Président est « étranger à toutes ces manœuvres » relève de la plus mauvaise foi.
Dans un pays où le Président est tout (avant qu’il ne soit rien, une fois dehors), ce genre d’initiatives ne peut être mené sans son aval. Et, à quelques jours près, il était sur le point d’aboutir. Avant qu’un grain de sable, venu d’on ne sait où, ne vienne enrayer une machine déjà en branle.
D’où une foultitude de questions : pourquoi un communiqué de la Présidence ? En quelle urgence ? Qu’est-ce qui a poussé Ould Abdel Aziz à faire volte-face ? L’Armée, qui commence à en avoir assez des agissements de certains « civils » n’hésitant plus à demander, aux généraux, de faire pression sur leurs alliés, pour soutenir les nouveaux amendements constitutionnels ?
Les Occidentaux, qui avaient salué la décision d’Ould Abdel Aziz de ne pas se présenter en 2019 et dont les investissements ont besoin d’un climat social et politique apaisé ? Le risque de voir la majorité voler en éclats et le texte rejeté, comme les sénateurs l’avaient fait, en 2017 ? La menace de voir le peuple, affamé et sans plus rien à perdre, descendre dans la rue et tout balayer sur son passage ?
Ce qui est sûr, en tout cas, est qu’il y a anguille sous roche. Au plus fort de la crise ivoirienne, le chanteur Alpha Blondy avait trouvé une formule devenue célèbre : « Si quelqu’un », déclara-t-il à un media français, « dit qu’il comprend quoi que ce soit à ce qui se passe en Côte d’ivoire, c’est qu’on lui a mal expliqué ».
D’avoir annoncé, depuis tant de mois, qu’il soutiendrait un candidat, Ould Abdel Aziz a-t-il sciemment fermé la porte à tout entendement de la situation ? Ou, tout simplement, mis en évidence les processus occultes qui font et défont le pouvoir, chez nous ?
Ahmed Ould Cheikh