A la veille d’élections municipales, régionales et législatives, force est de constater la poursuite effrénée par le pouvoir en place de sa politique de gestion unilatérale, hégémonique de l’ensemble du processus des élections. Malgré les demandes réitérées d’élections libres, démocratiques et transparentes, présentées par l’opposition démocratique, le régime en place maintient et renforce son emprise sur les différents leviers de commande du processus électoral, en particulier la CENI, la justice et le fichier électoral.
Dès la constitution de la CENI, le pouvoir a dévoilé son jeu la concernant en violant ouvertement la loi qui impose que ses membres soient choisis par consensus entre les partis du pouvoir et ceux de l’opposition. La composition actuelle de ses organes de direction montre clairement qu’elle n’est ni indépendante ni compétente, ses membres ayant été cooptés sur des bases parentales, familiales et étroitement partisanes. Son appareil administratif et technique a été constitué de la même manière, en privilégiant des agents d’exécution connus pour leur longue pratique de fonctionnaires soumis à l’autorité du ministère de l’Intérieur et à ses annexes à l’encontre du principe de neutralité qui doit guider leur action .
Il n’est donc pas surprenant que la première décision qu’elle a prise a consisté à se prêter à un jeu obscur au service de certains partis en publiant un communiqué illégal par lequel elle ordonne le report de 3 jours de la date de dépôt des candidatures tout en autorisant l’enregistrement à distance sur les listes électorales.
Il est curieux de constater l’extrême rapidité avec laquelle ce communiqué de la CENI a été « suspendu » par la Cour Suprême, sous l’influence directe du Premier Ministre.
Cette célérité suspecte n’a d’égale que la lenteur insolite avec laquelle est traitée la requête - qui reste encore en souffrance depuis plusieurs mois -, des partis de l’opposition tendant à constater l’illégalité flagrante de la constitution de la CENI.
Plus que jamais, l’instrumentalisation de la justice reste donc de mise. On le voit avec la décision, non motivée, rendue en violation du principe du contradictoire, décision manifestement prise par la Cour Suprême pour satisfaire un plan concocté par le régime. Outre la précarité qui résulte d’une simple suspension du communiqué (et non de son annulation) pour l’ensemble du processus électoral, cette décision de la Cour Suprême a fait l’objet d’une application sélective puisque bien que ce soit d’après la Cour, « le contenu du communiqué » dans ses deux volets qui est « suspendu », la CENI continue à appliquer sa décision illégale d’autorisation des enregistrements à distance !
En somme, la CENI viole la loi qui interdit les enregistrements à distance et fait fi de la décision de la Cour Suprême qui, en dépit de ses lacunes, confirme cette illégalité en suspendant l’usage de ce procédé d’enregistrement.
Par ailleurs, l’un des enjeux fondamentaux de toute élection, surtout dans notre pays, est la fiabilité du fichier électoral. C’est la raison pour laquelle la loi l’entoure de précautions pour en garantir la crédibilité et l’intégrité, particulièrement en ce qui concerne les conditions des inscriptions sur les listes électorales et les rapports entre ces dernières et ce fichier électoral. D’après la loi, le fichier électoral est national et unique. Il doit être révisé annuellement, et au gré des élections (opérations de recensement administratif à vocation électorale ou RAVEL), tout cela, d’après la loi, en vue de « garantir la traçabilité par rapport à l’historique de l’inscription des électeurs, notamment les informations relatives au changement de résidence ». La dernière révision de ce fichier électoral date du prétendu référendum. Or, pour les présentes élections, le pays se retrouve subitement privé de tout fichier électoral de base par le décret 2018 /101 en date du 29 mai 2018, pris le en violation de l’ordonnance 87/289 qui lui est supérieure et sur laquelle il se fonde par ailleurs, paradoxalement. Tout le monde est invité à s’inscrire à nouveau, comme pour la première fois ! Voilà donc un fichier électoral dont personne ne sait vraiment de quoi il est ou sera constitué puisqu’il est établi pour la seule circonstance actuelle et pour des besoins dont il faut vérifier la fiabilité démocratique…
En tout cas, la combinaison de cet enregistrement dans un fichier électoral illégal avec le procédé non moins illégal de l’enregistrement à distance ouvre la voie à la maîtrise totale du vote par le pouvoir en place.
Pour toutes ces raisons, toutes les forces démocratiques et patriotiques doivent, immédiatement et avec force exiger :
1 - la dissolution de cette CENI aux ordres, de surcroit, incompétente, et sa recomposition consensuelle avec la participation de l’ensemble de l’opposition et la mise à l’écart de ses agents dont le parti-pris ou l’absence de probité sont établis.
2- l’annulation immédiate du décret 2018 /101 du 29 mai 2018 pris en violation de la loi.
3- la restauration et l’actualisation du fichier électoral conformément à la loi et son audit sincère et indépendant
Nouakchott, le 19 juillet 2018