À chaque évènement historique d’importance, la bourgeoisie présente son exégèse de droite et son interprétation de gauche dont s’emparent les plumitifs à la solde des médias menteurs pour les propager. C’est au milieu de ces inanités savamment dosées que le journaliste d’investigation doit naviguer afin d’exposer la vérité.
Ainsi, il est difficile d’évaluer les retombées de l’accord sur le nucléaire iranien sans connaitre la teneur de l’entente secrète signée en marge de l’accord officiel. Cependant, des indices de ce traité secret apparaissent à travers la confrontation que le nouveau locataire de la Maison-Blanche n’a pas manqué de susciter faisant grief à Barack Obama d’avoir signé une entente bâclée comme poou tous les autres dossiers.
L’accord de juillet 2015 vu d’Amérique
Voici ce que les autorités gouvernementales occidentales proposaient comme interprétation de cet accord. Le Wall Street Journal écrivait : « L’accord de Vienne conclu le 14 juillet 2015 entre l’Iran et les « P5 + 1 » (les 5 membres du Conseil de Sécurité de l’ONU – Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie – plus l’Allemagne) conclut 12 ans de négociations sur le dossier nucléaire iranien. Initiées en 2003 par l’administration Bush, l’année même de l’invasion de l’Irak, les accusations selon lesquelles l’Iran aurait un programme nucléaire militaire clandestin et aspirerait à obtenir la bombe atomique était tout aussi infondées que celles qui furent portées contre les prétendues armes de destruction massive de l’Irak. Ces allégations, démenties par toutes les données et par tous les observateurs internationaux, servaient seulement de prétexte à une agression qui devait constituer le dernier acte du projet de Nouveau Moyen-Orient redessiné selon les désidératas de Washington. Un Moyen-Orient dans lequel il n’y aurait de place pour aucun État et aucune force qui puisse représenter un danger pour l’hégémonie américaine et son contrôle des ressources et des axes stratégiques de la région » (1).
Ce média de management dévoile le pot aux roses. Tout y est, la « fausse nouvelle » de la bombe iranienne et le mythe du « Projet de Nouveau Moyen-Orient redessiné » propulsé par la CIA et que tout altermondialiste se doit de vilipender faute de pouvoir l’empêcher. Pourtant, si les analystes ouvraient les yeux au lieu d’ânonner les mantras que leur refilent les médias, ils verraient qu’il n’y a pas de « Nouveau Moyen-Orient » en construction, mais seulement un ancien Moyen-Orient en destruction dont les puissances occidentales se font peu à peu expulsées, en cela il est nouveau certainement, mais ce n’est que pour y substituer de nouveaux maîtres au Kremlin et à Pékin.
Les centrifugeuses iraniennes
L’affaire des centrifugeuses et de l’uranium enrichi en vue de produire quelques bombes nucléaires n’a jamais été qu’un fallacieux prétexte pour justifier cette confrontation internations afin de garder l’Iran dans le camp Occidental. En effet, peu chaud aux États-Unis, munis de 3 500 ogives thermonucléaires disséminées à travers quelques centaines de bases militaires et de sous-marins nucléaires, que l’Iran dissimule sur son sol, grand comme quatre états américains, quelques bombes de première génération. Israël et l’Arabie Saoudite sont les deux pays réellement préoccupés par l’arme atomique iranienne. Mais ni l’un ni l’autre de ces alliés n’a été convié aux pourparlers. Les « conspirationnistes », qui imaginent que le « peuple juif » dirige la planète (2), en sont quittent pour concocter un nouveau bobard à propos des ploutocrates qui dirigeraient la superpuissance américaine à partir de l’AIPAC et de la Knesset où se prendraient toutes décisions à propos de l’avenir de l’humanité (sic).
L’accord Iran – Groupe 5 + 1 a prouvé qu’une entité alignant huit-millions d’habitants, un PIB de 304 milliards de dollars et 200 ogives nucléaires, n’impose pas son dictat à un État représentant 325 millions d’habitants, un PIB de 20 000 milliards de dollars, 3 500 bombes thermonucléaires et 11 porte-avions. Israël et l’Arabie Saoudite sont les pions de l’impérialisme américain au Moyen-Orient et non l’inverse.
L’Iran du pétrole et des pétrodollars
Le pétrole, les énergies fossiles, la monnaie du commerce international furent les véritables enjeux de la saga iranienne qui débuta en 1979 avec l’insurrection et le repositionnement géostratégique de ce pays entre le bloc impérialiste occidental, dirigé par les États-Unis, et le bloc social impérialiste soviétique périclitant, qui s’effondra finalement, et aujourd’hui l’Alliance de Shanghai et sa « Route de la soie ». (3)
Entre 1979 et 1989, le bloc soviétique déclinant n’offrait pas un havre d’accueil intéressant pour l’Iran qui préféra jouer l’agent libre et ne se rallia à aucun camp impérialiste si ce n’est au panier de crabes des États nationalistes bourgeois non-alignés (sic) – pourtant tous alignés sur le mode de production capitaliste et ses pétrodollars.
En 2003, l’Iran poussa l’outrecuidance jusqu’à s’inquiéter de la fluidité de ses réserves de pétrodollars et proposa, lors d’une assemblée de créanciers à laquelle assistait la France (rapporteur ou transfuge ?), de remplacer le dollar US par un panier de devises pour le commerce mondial des hydrocarbures.
L’Oncle Sam, qui avait toléré la prise d’otage à son ambassade de Téhéran, ne pardonna pas cette fois et aussitôt Israël fut intimer de vaticiner contre l’enrichissement de l’uranium iranien et de notifier au Pentagone et à la Maison-Blanche de se cabrer. Commençait alors la fourberie des tractations à propos du nucléaire iranien. Une série de sanctions économiques douloureuses furent imposées à l’Iran – dont le gel des fortunes placé à l’étranger et gérer par les banquiers de la Cité; isolement commercial et diplomatique du pays; perte de revenus du pétrole; importantes dépenses de défense; inflation et dévaluation du Rial. Ces sanctions ne furent pas sans conséquence pour les alliés des États-Unis. Difficulté d’approvisionnement pétrolier en Europe, perte de juteux contrats (pour Airbus et PSA-France notamment); déstabilisation en Afghanistan, en Irak et dans tout le Moyen-Orient, ce que les conspirationnistes appellent le « Plan de réaménagement du Grand Moyen-Orient ».
Bref, la guerre économique, que les États-Unis ont entreprise contre l’Iran, puis la guerre militaire contre la Syrie qui s’ensuivit, se retourna finalement contre la superpuissance qui a perdu la mainmise sur cette région de ressources, sur ses axes de transport, perdu le contrôle sur l’approvisionnement de la Chine en énergie fossile, et perdue l’hégémonie sur ces marchés truculents d’armements notamment. Voilà les conséquences profondes de la signature des accords sur le nucléaire iranien que Donald Trump a reçu mission de contester espérant les renégociés.
De la stratégie du chaos à la tactique chaotique
Pendant le déroulement, non pas de cette « stratégie du chaos », mais de cette tactique chaotique et tragique pour les populations multiethniques du Levant – telle la mouche du coche, le pion israélien s’activa futilement. (4) L’État israélien n’a absolument pas les moyens d’une guerre contre l’Iran, même pas contre le Hezbollah du Liban la sentinelle iranienne au Levant. Tsahal est tout juste capable d’assassiner des enfants palestiniens désarmés. (5)
Cependant, au cours de ces années l’Iran a été poussé dans les bras de la Russie et de la Chine, car loin de se soumettre les capitalistes iraniens, comprenant vraiment leurs intérêts économiques, ont refusé de stocker les pétrodollars plombés. Entre temps, la puissance américaine déclinait alors que la puissance chinoise se fortifiait.
Suite à la signature de l’Accord, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, arrimer au rafiot américain, ont tiré les marrons du feu et récolté des contrats juteux sur le marché alléchant de l’Iran, ce qui les places en contradiction avec leur souteneur étatsunien. Cette problématique accélère le déclin de l’Alliance Atlantiqueperceptible par les hésitations récentes à bombarder la Syrie suite à la fumisterie des attaques chimiques sous faux drapeau. (6)
Après trois ans quelles conséquences ?
Après trois ans, l’entente sur le nucléaire iranien a eu pour conséquences :
- de dégeler les avoirs des milliardaires iraniens.
- D’ouvrir le marché iranien aux investisseurs étrangers et de permettre à l’Iran de se débarrasser d’une partie de ses pétrodollars plombés.
- De faire chuter le prix du pétrole par un afflux de carburant déjà trop abondant.
- De créer des difficultés supplémentaires aux pétrolières américaines et mondiales dont le taux de profit moyen périclite.
- De permettre aux multinationales industrielles de respirer quelque peu en payant moins cher leur carburant. Cependant, les consommateurs surendettés et sous-payés ne seront pas au rendez-vous pour acheter et consommer (d’où les baisses de taux d’intérêt afin de souffler le mistral du crédit sur les braises de la crise systémique).
- La devise américaine s’est temporairement raffermie compte tenu de l’augmentation des échanges pétroliers. Mais ce temps achève puisque la Chine, premier consommateur mondial d’hydrocarbure (2017), propose que les échanges de pétrole se fassent en yuan, ce à quoi l’Iran a donné son accord. (7)
Malheureusement, le front de guerre du Moyen-Orient ne s’est pas éclairci depuis la chute de l’État Islamique(DAESH), pas même avec la défaite du collectif des milices terroristes déchainées contre la Syrie. Pourtant, l’Alliance Atlantique n’a atteint aucun de ses objectifs ni en Afghanistan, ni en Irak, ni en Syrie, ni au Yémen, ni en Iran où les récentes tentatives de soulèvement ont tourné court. (8) Ce n’est pas l’imprévisibilité du polichinelle Donald Trump qui explique la valse-hésitation occidentale dans cette région, c’est que l’État-major de l’OTAN ne sait plus quelle tactique utiliser pour forcer l’usage des pétrodollars et pour entraver la construction de la « Route de la soie ».
Le national chauvinisme kurde instrumentaliser
Même la tentative d’instrumentaliser le national chauvinisme kurde afin de prolonger la guerre d’invasion et d’occupation de la région ne rapporte pas les dividendes escomptés. Les différentes milices kurdes, engagées dans une guerre fratricide, n’ont réussi qu’à provoquer l’engagement de la Turquie dans le conflit. (9)
La classe ouvrière internationaliste – chair à canon de toutes ces guerres – n’a rien à y faire et devrait poursuivre ses luttes sur le front économique de la lutte de classe contre la dégradation de ses conditions de vie et de travail en attendant que ce monde s’effondre et que nous le remplacions par un nouveau mode de production.
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/trois-ans-apres-la-signature-de-l...