Une année vient de s’achever. Une autre commence. L’ordre normal des choses et l’heure du bilan. Qu’avons-nous fait de l’année écoulée ? Un referendum (anti) constitutionnel, des changements de drapeau, hymne national et monnaie. Rien que du symbolique.
De la poudre aux yeux. Pour masquer l’essentiel : quel progrès avons-nous réalisé, dans la lutte contre la pauvreté ? Notre école publique est-elle devenue plus performante ? Notre système de santé sorti de son agonie ? Notre ouguiya a-t-elle tenu bon, face aux devises étrangères ?
Notre économie redressé la tête ? Le chômage résorbé ? Nos finances publiques assainies ? Bien qu’on soit très loin d’être sorti de l’auberge, il se trouvera toujours de petits flagorneurs pour vous chanter, encore et encore, les « réalisations grandioses de notre guide éclairé ». Certains allant même jusqu’à réclamer un troisième mandat pour « parachever le travail accompli ».
Quel travail ? Tuer, une à une, les sociétés publiques ? Jugez par vous-mêmes : l’Etablissement national d’entretien routier a été dissous ; la Sonimex est sur le point de disparaître ; les deux sociétés de transport, terrestre et aérien, sont sous perfusion ; l’Imprimerie nationale n’arrive plus à éditer les quotidiens nationaux et la presse privée (une première depuis 1975) ; la Société du sucre, qui a déjà englouti des milliards, est mort-née ; la Sonader et la SNAAT le sont cliniquement.
Quel travail ? Nous endetter jusqu’à la moelle ? Offrir, sur un plateau d’argent, le peu de ressources dont nous disposons à un clan qui a juré de saigner ce pays jusqu’à l’os ? Nous isoler, un peu plus, sur la scène régionale et internationale ?
De quel travail peut-on parler, quand la liberté d’expression et d’association est menacée, quand la presse est bâillonnée, quand la justice n’est plus qu’un appendice de l’Exécutif, quand les mêmes chances ne sont pas offertes à tout le monde, quand on n’est pas tous égaux devant la loi ?
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, un régime en fin de mandat a généralement tendance à produire les conditions susceptibles de repousser l’échéance au maximum, en se risquant, soit à modifier la Constitution (Burkina Faso), soit à se pérenniser au pouvoir (Niger et RDC).
Avec les résultats qu’on sait : Compaoré a été chassé par la rue, Tandja par l’Armée et Kabila fait face à une insurrection populaire qui finira bien par avoir raison de lui.
A écouter ses laudateurs, Ould Abdel Aziz va-t-il tomber dans le piège ? Quoiqu’il en soit, sa situation n’est guère enviable. Tentera-t-il de s’incruster au pouvoir et ce sera un saut vers l’inconnu, pour lui et pays.
Cèdera-t-il la place et il aura besoin d’une solide carapace : les nombreux ennemis qu’il s’est fait, au cours de ses deux mandats, ne lui laisseront aucun répit. A moins qu’il ne se choisisse un dauphin tout à la fois assez docile et puissant pour lui assurer l’impunité et la pleine jouissance des biens qu’il a accumulés.
Le seul hic est que, si les Mauritaniens sont amateurs de poisson, ils ne goûtent guère les dauphins… Au final, sortir de cette impasse constituera, certainement, le plus rude travail de notre si piètre « Hercule » national.
Ahmed Ould Cheikh