Dites ce que vous voulez, je fais ce que je veux. Tel semble être aujourd’hui le credo qui fonde en Mauritanie « la liberté de la presse » reconnue pourtant comme l’un des principes fondamentaux des systèmes démocratiques.
La Mauritanie engrange les points, en fournissant le moindre effort. Elle trône, depuis cinq ans et selon Reporters sans frontières (RSF), sur la liberté de la presse dans le monde arabe.
Paradoxalement, les médias privés se meurent, faute de ressources. Au propre et au figuré. La facilité déconcertante avec laquelle les journaux et sites naissent et meurent n’a d’égale que le cynisme des pouvoirs publics qui semblent avoir trouvé la parade pour limiter l’impact de l’information : la banalisation et le tarissement des ressources.
La situation d’aujourd’hui ressemble, étrangement, à celle des débuts de la lutte pour la liberté d’expression, quand feu Habib Ould Mahfoud et ses compagnons luttaient pour la survie d’une profession qui se cherchait alors.
L’interdiction faite aux entreprises publiques et parapubliques d’octroyer aux entreprises de presse des aides sous formes de publicités et d’abonnements, comme cela a cours dans tout régime démocratique suivant des règles bien établies de transparence et de circulation de l’information, dénote d’une volonté affichée de pousser ces médias à une « crétinisation » d’une profession qui navigue à vue. Les journaux et sites qui « résistent » à cette dépréciation provoquée se comptent sur les doigts d’une seule main. La survie poussent les uns dans les bras du pouvoir, qui aide « en sous main » les médias amis, et les autres se rangent du côté d’une opposition qui lutte avec les mêmes « armes ».
Habib, rien n’a changé après ton départ. Notre liberté est factice. Nous avons trahi ta mémoire. La presse ne vit pas ; elle survit. Notre liberté d’expression n’est qu’illusion. La preuve : quand les sénateurs ont osé dire « non », le pouvoir a vu en cela un « scandale », un crime de lèse-majesté. L’opinion publique est partagée. La presse aussi. C’est un signe de bonne santé ? Peut-être bien, peut-être pas.
Ce qui est sûr, c’est que le legs de l’ère Taya en matière de « liberté d’expression » n’étant pas fameux, nous aspirions à mieux quand les militaires ont effectué leur énième révolution de palais en 2005. Mais, comme tu le disais dans un mémorable « Mauritanides » sur nos rapports « gagnant-perdant », avec le FMI, cette situation de la presse est ce qu’on pourrait qualifier de « jelahi eythabou, inket aynou », proverbe hassaniya plus savoureux, mais surtout plus imagé que le mythique « tomber de Charybde en Scylla ».
Sneiba Mohamed