Nouvelle audition de Mohamed Ould Abdel Aziz : entre déni, justifications et révélations ciblées | Mauriweb

Nouvelle audition de Mohamed Ould Abdel Aziz : entre déni, justifications et révélations ciblées

ven, 25/04/2025 - 10:08

  Devant la Cour d’appel de Nouakchott, l’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a repris la parole pour tenter de se défendre face aux accusations de corruption, d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent qui pèsent sur lui dans le cadre du très médiatisé "procès de la décennie".

Durant près de deux heures d’audition, Ould Abdel Aziz a réitéré les arguments qu’il avait développés devant la juridiction de première instance, tout en adoptant cette fois un ton plus maîtrisé. Il a veillé à choisir ses mots, n’hésitant pas à apaiser les tensions tout en restant menaçant, notamment lorsqu’il a été interrompu par le procureur : « Monsieur le procureur, nous nous connaissons, je ne vais rien dire d’irrespectueux… mieux vaut pour vous laissez-moi me taire », a-t-il lâché, dans une posture de menace à peine voilée.

Tentative de désolidarisation partielle

Pour la première fois, l’ancien chef d’État a tenté de se dédouaner de deux dossiers en particulier. Concernant la garantie financière de l’État accordée à la société "En-Najah" pour un prêt de 15 milliards d’anciennes ouguiyas contracté auprès de la SNIM, il a affirmé n’en avoir eu connaissance qu’au moment du procès, rejetant ainsi la responsabilité sur l’ancien ministre des Finances, aujourd’hui Premier ministre, Mokhtar Ould Djay. Oubliant qu’elle a été accordée bien avant lui.

De même, s’agissant des infrastructures érigées dans un parc aménagé à son usage personnel au PK 70 sur la route d’Akjoujt, il a attribué l’initiative à un capitaine de la garde présidentielle, affirmant que c’est ce dernier qui aurait sollicité la fondation de la SNIM pour effectuer les travaux. Il a par ailleurs réclamé une enquête sur le coût réel des installations. Mais ici le l’ex président se couvre de ridicule. Le président de la Fondation et l’ancien ADG de la SNIM l’a confirmé avait été sollicité par la SNIM pour le suivi d’un avenant signé par un ministre avec ATTM. Et prétendre aujourd’hui qu’il n’était pas au courant de travaux effectués dans l’une de ses résidences secondaires est des plus ridicules.

Les "cinq avocats" et documents inédits

Ould Abdel Aziz a aussi évoqué de manière énigmatique cinq avocats qu’il accuse d’hostilité ou de conflits d’intérêts, sans toutefois les nommer. Il a présenté un document accusant l’un d’entre eux d’usurper la qualité de conseiller ministériel. Il a refusé de nommer le cinquième par "respect pour un voisin de mosquée", dans une posture volontairement allusive.

Justification des fonds et dénonciation d’un complot politique

Plus étonnant encore, l’ancien président a affirmé, pour la première fois de manière explicite, que l’ensemble de sa fortune – "l’ancienne comme la nouvelle" – provenait exclusivement des fonds des campagnes électorales. Il a dénoncé ce qu’il qualifie de cabale politique, accusant la commission parlementaire à l’origine du dossier de n’avoir retenu que les marchés pouvant l’impliquer personnellement, tout en abandonnant l’examen d’autres contrats sensibles comme ceux de Poly Hondong, Sonimex ou du port de N’Diago.

Des propos ambigus sur des hommes d’affaires et des ministres

Sans citer de noms, Ould Abdel Aziz a aussi lancé de lourdes insinuations. Il a notamment parlé d’un ancien directeur d’entreprise publique ayant perçu 20 % de chaque chèque retiré d’un compte bancaire dans le cadre d’un "accord suspect", en lien avec un homme d’affaires notoire, qu’il a évoqué de manière ironique en riant.

Il a également mentionné le cas d’un ministre de la Pêche (probablement Nany Ould Chrougha) qu’il dit avoir limogé pour avoir voulu modifier les règles d’attribution des licences de pêche, avant de déplorer que le même ministre ait été reconduit ensuite pour appliquer les changements contestés.

Verdict attendu le 14 mai

La Cour a fixé au 14 mai 2025 la date du verdict dans cette affaire tentaculaire. Le parquet général réclame une peine de 20 ans de réclusion, tandis que la défense continue de plaider la relaxe pure et simple. Ould Abdel Aziz, déjà condamné à cinq ans en première instance, espère faire tomber le procès en discrédit, en en contestant chaque étape.

Au fil des audiences, l’ancien président cherche à inverser la narration d’un procès fleuve qu’il dénonce comme étant une "vengeance politique", tout en reconnaissant à demi-mot l’ampleur de certaines opérations... tout en s’en lavant les mains.