La mort accidentelle de huit femmes continue de faire des vagues à Nouakchott. En fait, depuis ce terrible accident, premier du genre, et alors que l’opinion semble avoir fait son deuil, la question qui reste posée est de savoir qui est responsable ?.
8 morts et une trentaine de blessés ! Tel est le triste bilan qui a sanctionné la bousculade formée aux portes de l’homme d’affaire Zein Abidine Ould Cheikh Ahmed qui organisait à l’occasion une cérémonie de distribution de la Zekatt. Cinq jours après, cet événement semble relever du passé. En effet, tout a été mené de telle sorte d’effacer au plus tôt, ce drame, de la conscience collective. Et comme le dit si bien l’adage : « les perdants, ce sont toujours les morts » ; dans le cas de figure présent, « ce sont les pauvres ».
Très tôt déjà, d’aucuns savaient que cette affaire prendrait vite une tournure particulière, qui « convienne exactement à l’homme d’affaire cible ». Pour cause : quelques minutes après le drame, alors que els familles éplorées pleuraient seules leurs morts, l’homme recevait en son domicile, tout ce que Nouakchott compte de hauts cadres de l’Etat, d’officiers supérieurs des forces armées, d’hommes d’affaires voire d’élus, venus lui signifier leur soutien.
Au même moment, le Wali de Nouakchott Ouest intervenait, apportant à son tour son soutien : « cet accident a été causé par des bousculades devant les bureaux d’une personne de bonne volonté qui a pris l’habitude…de distribuer sa zekat et des aides aux nécessiteux mais, pas en coordination cette fois avec les autorités administratives et sécuritaires ».
Inconsciemment, l’intervenant avait jeté un pavé dans la mare, notamment quand il révélait que les forces de l’ordre n’avaient pas été informées dudit rassemblement ! L’accusation avait été ainsi portée même si par la suite, une version contraire des faits devait être portée à l’opinion. En fait, il s’agissait de disculper l’homme d’affaires cible. La presse audiovisuelle et les réseaux sociaux furent ainsi mis à contribution. La consigne était donnée : l’instruction consistait à parler dorénavant « d’un homme de bien, de bonne volonté et généreux ». Il fallait aussi se désoler des pauvres qui se seraient en quelque sorte suicidés puisque n’ayant pas pu s’organiser eux-mêmes.
Dans la foulée, les Autorités, par la voie du président de la République, offraient leur assistance en prenant en charge les frais de transport des dépouilles et leur enterrement dans le lieu choisi par leurs proches. Le lendemain, l’homme d’affaires Zein Abidine Ould Cheikh Ahmed revenait à la charge en accordant à chacune des familles qui ont perdu un être, 4 millions d’ouguiyas et près d’un million à chacun des blessés ! Et depuis, l’affaire s’est tassée ou tut au plus, quand elle est évoquée, c’est pour souligner la « générosité de cet homme, « la maladresse » des morts et « l’imbécilité » des pauvres. Finalement, pour la version officielle, les pauvres ont eu tort…
Soit ! Mais cela ne devrait en rien disculper l’homme d’affaires. ! Zein Abidine n’a pas été entendu par la police sur les faits du jour et n’a pas été convoqué par le Procureur. C’est bien le rassemblement de près de 2000 personnes dont il est l’unique initiateur qui a provoqué la mort de 8 femmes !
A ce titre, une enquête devrait être ouverte et il devrait répondre, ne serait-ce que, d’accusations portant sur l’organisation libre d’un attroupement, le cas échéant pour homicide involontaire ! De tout cela, rien, le système a au contraire engagé une campagne pour le disculper, faisant circuler des informations sur « sa générosité ». Un traitement somme toute, normal quand on sait que l’homme est riche. Il fait partie des hommes d’affaires qui se sont bâti des gigantesques fortunes avec le pouvoir du président Ould Abdel Aziz avec lequel il entretient des relations d’affaires de premier ordre ! Propriétaire de la société CDI, il intervient dans les marchés de l’immobilier mais aussi de construction.
L’une de ses dernières sorties reste l’acquisition des espaces qui abritaient les écoles du marché et de la justice de Nouakchott qui l’a amené à débourser cash, près de trois milliards d’ouguiyas. Le poids de cet homme, doit-il être comparé à celui des neuf morts et de la trentaine de blessés ? Que non ! Forcément donc ces derniers ont tort. Ils ont tort d’avoir été en place pour recueillir la pitance du jour. Ils ont eu tort de ne pas s’être organisés et ils ont tort d’être pauvres.
JOB (L'Authentique)