«La stabilité continue de la Mauritanie dans une région volatile risquerait d’être compromise à moins que les bénéfices de la croissance ne soient plus équitablement répartis », a déclaré mardi 11 mai àNouakchott, Philip Alston, rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’Homme.
Cette déclaration a été faite à l’issue d’une visite de 06 jours en Mauritanie.
Le gouvernement mauritanien, a ajouté le rapporteur, « doit fournir d’avantage d’efforts pour tenir sa promesse de lutter contre les séquelles de l’esclavage, et doit aller au-delà d’une approche de charité pour aller vers une approche qui reconnait que chaque mauritanien a un droit fondamental à l’eau, aux soins de santé, à l’éducation et à l’alimentation. »
Un pays riche en ressources…
La Mauritanie a été ainsi décrite par le Rapporteur : « Un pays riche en ressources naturelles et dont le système juridique n’accepte plus l’esclavage, un pays qui a pu maintenir sa stabilité et a, comparativement, bénéficié d’un niveau élevé d’aide internationale pour le développement.»
Le Rapporteur a aussi reconnu « les réalisations importantes faites au cours de ces dernières années, en particulier en ce qui concerne les zones urbaines.»Cependant, avertit, Monsieur Alston, « 44% de la population rurale continue à vivre dans une pauvreté écrasante dans des régions comme le Gorgol, le Braknaet le Trarza.» Ces régions ont été visitées par le Rapporteur.
Haratine et les négro-africains, "systématiquement absents"
Selon le rapporteur, « pour beaucoup de personnes, le seul impact tangible des politiques de développement du gouvernement jusqu'à présent a été l’expropriation de leurs terres et leur attribution aux investisseurs à grande échelle et cela sans aucune compensation. »
Autre constat du fait par le Rapporteur : « les haratine et les négro-africains sont systématiquement absents de toutes les positions du pouvoir réel et sont continuellement exclus de nombreux aspects de la vie économique et sociale. Ces deux groupes représentent plus de deux tiers de la population, mais diverses politiques servent à rendre leurs besoins et leurs droits invisibles. »
En Mauritanie, il n’existe pas de statistiques à base raciale, ethnique ou communautaire. D’où tenez-vous ces deux tiers ? Est ce le fruit d’enquête ou une estimation au coup d’œil ? Réponse du Rapporteur : « ce chiffre est revenu avec insistance dans beaucoup de rencontres pendant ma visite… même si le gouvernement n’a pas fait d’enquêtes, les organisations internationales ont besoin de savoir pour aider les populations à résoudre leurs problèmes. » Le rapporteur a noté «qu’une reconnaissance officielle des biens et services tels que l’eau, les soins, la santé, l’éducation et l’alimentation sont des droits de l’Homme pourrait commencer à transformer la façon dont sont formulées et mises en œuvre les politiques de développement. »
Au sujet de l’agence Tadamoun, le rapporteur a déclaré : « Au lieu de construire une école semblable à Taj Mahal pour 84 millions d’ouguiyas à Dar El Barka,l’agence nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage, chargée de l’insertion et de la lutte contre la pauvreté (TADAMOUN) aurait pu entreprendre la construction de salles de classe additionnelles et de toilettes et soutenir le personnel des écoles périphériques qui sont tant dans le besoin. »
Pour Monsieur Halston, « trop de programmes de développement du gouvernement sont ad hoc et répondent d’avantage aux intérêts des circonscriptions électorales puissantes qu’aux besoins réels. » Il a proposé la mise en place « d’un groupe d’amis de la Mauritanie qui rassemblerait les principaux bailleurs de fonds pour discuter des priorités en amont de leurs réunions régulières avec le gouvernement. »
Selon lui, « les bailleurs de fonds internationaux n’ont pas réussi à encourager le gouvernement à fonder son approche sur des principes, ni à être systématique dans son approche, et ont ainsi consacré beaucoup trop peu d’attention au type de coordination qui renforcerait considérablement leur impact combiné. »
Au cours de sa visite en Mauritanie, le rapporteur a rencontré les représentants du gouvernement, des autorités locales, des ONG nationales et internationales, des personnes vivant dans l’extrême pauvreté à Nouakchott et d’autres régions de la Mauritanie.
Le rapporteur présentera un rapport complet comportant des recommandations au conseil des droits de l’Homme en juin 2017.
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