Depuis que les forces négro-africaines tentent de se rassembler, dans un élan de survie, on observe une sorte de levée de boucliers. De tous côtés fuse l’indignation, feinte ou réelle, sans que personne ne songe à s’interroger sur les causes réelles ou supposées du phénomène .…
Suite au fameux second discours d’investiture du Président de la République, nous avons entendu le Premier ministre, puis les habituels acolytes et autres laquais faire chorus. Même son de cloche à travers une certaine presse; et pourtant !
Mais qu’est-ce donc le communautarisme? Quel sens lui donne-t-on ?
Le communautarisme se définit, généralement, par ce "soutien automatique ou mécanique à un groupe ou à des idées, par solidarité ethnique, sociale ou religieuse" . Quel mauritanien échappait à ces différentes appartenances, dans ces rapports avec les autres? Qui s’en distanciait vraiment? "La citoyenneté ne peut être disjointe de l’ethnicité"; la citoyenneté ethnoculturellement neutre est une utopie’, nous rappelle Souleymane B . Diagne .
Cette solidarité primaire, par ailleurs, n’est pas quelque chose de nouveau en Afrique et dans le monde, même si elle demeure plus marquée dans ce continent; en raisonet à cause des Etats africains aux politiques inaptes à créer des Etats fédérateurs de la pluralité des nations, des langues et cultures.
La crainte des détracteurs du communautarisme viendrait, dit-on, de cette conviction qu’il diviserait la nation au détriment de l’intégration …A supposer que ce fut vrai, dans notre cas d’espèce on ne divisait rien du tout puisque la"nation, stricto sensu, n’existait pas! Cette inquiétude donc ne reposait sur rien ! L’on sait, par ailleurs, que le Communautarisme demeurait en cours dans beaucoup de pays qui ne s’en portaient pas plus mal; il ne les divisait en aucune façon, non plus … Il favorisait plutôt leur cohésion nationale à travers la participation des groupes nationaux à la gestion de l’Etat et de la vie publique.
La seconde réserve émise à l’endroit du communautarisme résulte, semble-t-il, de l’idée- que lorsque la représentation irait aux groupes et non à l’individu, il y’ aurait entrave à l’exercice de la démocratie; ce qui est totalement erroné; Le Communautarisme n’est pas antinomique à la démocratie. La Belgique, la Suisse, le Liban, le Nigeria, l´Espagne entre autres exemples, illustrent tout le contraire, pour l’avoir pratiqué. Pourquoi tant de réticences à s’inspirer de ces modèles? Pourquoi serait –il déplacé d’en parler ici quand l’Etat arabo-berbère a failli dans sa construction de la "Nation"(Etat-nation), et partant de la citoyenneté ? Citoyenneté qui se cherche chez nous et partout en Afrique, produit de la Démocratie "occidentale" mécaniquement plaquée, fondée sur l’individualisme, l’égoïsme. Citoyenneté que nous devons, certes, tenter de construire mais sans hâte, c’est-à-dire sans sauter de paliers, dont l’un des passages obligés constitue la représentation des communautés en présence. Le Communautarisme, dis-je, serait l’étape transitoire nécessaire dans l’émergence de la citoyenneté, lointaine. En effet, dans le rapport entre groupes nationaux, le communautarisme force l’acceptation mutuelle et la reconnaissance des identités irréductibles, respectives... Il n’est donc pas mauvais en soi, comme veulent nous le faire croire certains esprits mal pensant; Ce qui est mauvais par contre, tant pour le nationalisme que pour le communautarisme, c’est l’exacerbation du sentiment communautaire ou nationaliste qui pousse au rejet de l’autre, et à se percevoir comme le centre du monde.
Ce rejet du communautarisme on le retrouvait aussi, curieusement, chez certains cadres négro-africains, qui se surprennent à dire qu’ils le refusaient, et d’autres, qu’ils "ne faisaient pas de politique" … Hélas, ces Messieurs faisaient preuve d’une grande naïveté. Ils se laissaient culpabiliser et intimider par le battage médiatique entretenu à dessein sur la question, par les mêmes. Poser l’affirmation de son identité ethnique n’est- ce pas faire un clin d’œil au communautarisme ?et plus, qu’était-ce faire la politique sinon se préoccuper ou s’occuper des affaires de la Cité …tout comme un bon père de famille responsable prend soin de son foyer !
Enfin, Le communautarisme constitue pour les groupes marginalisées dont la citoyenneté est déniée une réponse, voire la réponse, normale, face à un racisme d’Etat sournois, non officiel, qui a partout cours. Tout l’environnement dans lequel nous baignons est communautaire, tribal! Tout, autour de nous, reste empreint de ce communautarisme, déjà avec Moctar; Ould Taya est venu l’ exacerber, l’attiser, et le Président Abdel Aziz le poursuivre avec obstination et de manière appliquée; à travers ces écoles spéciales ségrégationnistes, l’Armée, la police, la justice, le parlement, les médias, l’encouragement d’association ou de partis à base tribale, de réunions tribales au quotidien. Tel est l’environnement communautaire que l’on nous offre, tous les jours, en pratique et, …en théorie « une société garantissant la justice et l’égalité en droits et en devoirs, où la compétence, l’excellence et la citoyenneté seraient les seuls critères de valeurs ». Slogan creux du Premier ministre, double langage*destiné à endormir la vigilance des damnés de la Mauritanie…Alors que de tout temps notre environnement fut et reste celui-là sans que personne ne trouve à redire, maintenant que les Négro-africains tentent de s’organiser sur la même base, à des fins de résistance groupée, on crie au scandale? Chacun y va de son indignation ! …Ces critiques passent sous silence l’autre communautarisme cynique, décrit plus haut; ils passent sous silence celui des Haratines, incarné par le "Manifeste", et vis-à- vis duquel des forces politiques rivalisent d’ardeur, dans leur soutien, pour vouer aux gémonies tout effort de regroupement des Négro-africains !
Motus sur ces communautarismes là et haro sur celui des Négro-africains !
De qui se moque-t-on ?
Thsiyembe affirmait que la volonté de vivre ensemble doit avoir pour socle le respect concomitant de la diversité culturelle, ethnique, et religieuse, condition de participation des nations.
L’émergence soudaine du "repli communautaire" des Négro-africains ne résulterait- il pas tout simplement de la non prise en compte de cette condition fondamentale?
En l’absence de la citoyenneté qui n’a pas émergé dans la Nation en général, ou lorsque celle-ci existe elle n’est alors reconnue qu’à certains, n’est-il pas légitime que les damnés du pays se cherchent aussi une alternative?
A parcourir la liste des nominations du conseil de ministres dernier - 24 mars 2016-, on constate que le Premier ministre dit une chose et fait le contraire ; double langage, flagrant délit de démagogie : sur 70 nominations 10 negro africains ! Un blanchissement méthodique, appliqué de l’Administration…
Qui ‘’ divisait le peuple ‘’ ?
La lutte continue !
Samba Thiam.
Président des Forces Progressistes du Changement
Nouakchott , le 26 Mars 2016.