
Le Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants, Gehad Madi, a effectué une visite officielle en Mauritanie du 2 au 12 septembre 2025. Objectif : évaluer les politiques migratoires du pays et leur conformité avec les obligations internationales en matière de droits humains.
Durant son séjour, l’expert onusien a rencontré les plus hautes autorités de l’État, dont le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani et le Premier ministre Moktar Ould Djay, ainsi que des représentants de la société civile, des agences onusiennes, des diplomates, et surtout des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile.
Avancées législatives et dispositifs en place
M. Madi a salué l’ouverture des autorités mauritaniennes, qui ont facilité son déplacement et favorisé un dialogue direct. Il a reconnu les efforts entrepris, notamment la loi de 2020 sur la lutte contre la traite des personnes et le trafic de migrants, la mise en place d’un office central dédié, ainsi que la création de centres d’accueil à Nouakchott et Nouadhibou. Il a également noté le projet de loi sur l’asile en cours d’élaboration et les efforts de la Mauritanie dans les opérations de recherche et de sauvetage en mer, qui ont permis de secourir des milliers de migrants ces dernières années.
Des violations persistantes
Mais derrière ce cadre juridique, la réalité observée demeure préoccupante. Le Rapporteur spécial dénonce des pratiques de rafles, d’arrestations arbitraires, de confiscations de documents, de conditions de détention déplorables et de refoulements expéditifs vers les frontières malienne et sénégalaise, sans aucune évaluation des besoins de protection des migrants.
Les expulsions collectives concernent y compris des mineurs, des femmes et des personnes fuyant des conflits, en violation flagrante du principe de non-refoulement. Le rapport fait aussi état de violences, de discriminations raciales, d’extorsions et d’une corruption systémique parmi certains agents de police. Les femmes migrantes sont particulièrement exposées aux abus verbaux, physiques et sexuels. Même les réfugiés reconnus par le HCR sont parfois privés de leurs papiers et expulsés.
Recommandations clés
Le Rapporteur spécial appelle la Mauritanie à : mettre fin aux expulsions collectives et garantir une procédure individuelle pour chaque cas ; protéger l’unité familiale et l’intérêt supérieur des enfants ; améliorer les conditions de détention et assurer un contrôle judiciaire effectif ; lutter contre la corruption et sanctionner les abus des forces de l’ordre ; simplifier et réduire le coût des titres de séjour, afin de réduire la vulnérabilité des migrants face aux réseaux de passeurs et aux abus administratifs.
Il exhorte aussi la communauté internationale, en particulier l’Union européenne, à privilégier une approche fondée sur les droits humains plutôt que sur la seule sécurisation des frontières, en soutenant les capacités institutionnelles de la Mauritanie et le travail des organisations de la société civile.
Un rappel important
« Les rapporteurs spéciaux/experts indépendants/groupes de travail sont des experts indépendants des droits de l'homme nommés par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Ensemble, ces experts sont désignés comme les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les experts des procédures spéciales travaillent sur la base du volontariat ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Bien que le Bureau des droits de l'homme des Nations unies fasse office de secrétariat pour les procédures spéciales, les experts exercent leurs fonctions à titre individuel et sont indépendants de tout gouvernement ou organisation, y compris du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et des Nations unies. Tous les points de vue ou opinions présentés sont uniquement ceux de l'auteur et ne représentent pas nécessairement ceux de l'ONU ou du HCDH.»
Le Rapporteur spécial insiste sur la nécessité pour la Mauritanie de transformer ses engagements juridiques en réalités tangibles pour les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile qui transitent ou s’installent sur son territoire.