
Depuis la signature de l’accord avec l’Union européenne sur la lutte contre l’immigration, le 7 mars 2024, de nombreuses voix avaient alerté sur ses conséquences néfastes. Aujourd’hui, ces avertissements se confirment, et notre pays subit déjà les effets désastreux de cet engagement.
Notre pays est désormais perçu comme un simple garde-frontières de l’Union européenne, réprimant nos frères africains pour les empêcher de migrer.
La mise en œuvre de cet accord a exposé l’ampleur de la corruption au sein de l’État. L’implication avérée de certains agents dans la traite des êtres humains, ainsi que l’utilisation de ressources publiques – y compris des ambulances – à cette fin, en sont des preuves accablantes.
La forte augmentation du nombre de migrants dans nos villes a alimenté des discours chauvinistes et la propagation de théories du complot. Face à cette situation, l’incapacité des autorités à gérer la crise avec responsabilité est particulièrement préoccupante.
Le gouvernement tente de minimiser la portée de cet engagement en avançant des arguments fallacieux. Il prétend que l’accord n’est pas juridiquement contraignant, alors même qu’il s’emploie activement à en exécuter les obligations.
L’opinion publique se souvient encore des propos du ministre des Affaires étrangères devant le Parlement, le 16 novembre 2023, lorsqu’il déclarait fièrement : “Notre pays est la première ligne de défense des frontières espagnoles face à l’immigration et au terrorisme.” Pourtant, ces mêmes autorités se montrent incapables de défendre les frontières de notre propre pays, où nos compatriotes ont été tués, en plein jour, par des forces étrangères.
Jouer le rôle de garde-frontières de l’Europe traduit une incompréhension des réalités géopolitiques et un manque de vision stratégique face au défi migratoire.
L’immigration est un problème global qui ne saurait être résolu par la seule répression. Une solution durable passe par une coopération fondée sur la solidarité et les intérêts mutuels entre l’Afrique et l’Europe.
Pourquoi le monde accepte-t-il la libre circulation des capitaux, des entreprises et des marchandises tout en entravant celle des personnes ? Devons-nous nous résigner à ce que les Africains ne soient bons qu’à financer les économies des pays riches et à consommer leurs produits, souvent issus des ressources africaines transformées ailleurs ?
Contrairement à notre pays, aucun de nos voisins – qu’ils partagent des frontières avec des pays sources de migration (comme la Libye avec le Tchad, le Niger et le Soudan) ou non (comme la Tunisie et le Maroc) – n’a accepté de se soumettre à une telle servitude.
Pourquoi notre pays accepte-t-il de mettre en œuvre des mesures que les tribunaux européens eux-mêmes ont jugées contraires au droit international des réfugiés et aux droits humains ?
Plutôt que de réprimer les migrants, il est impératif de s’attaquer aux causes profondes de l’exode : favoriser le développement dans les pays d’origine, mettre fin aux conflits qui les ravagent et cesser de soutenir les régimes qui persécutent leurs citoyens.
Avant qu’il ne soit trop tard, nous appelons le régime à prendre des mesures immédiates:
-Retirer immédiatement sa signature de la déclaration conjointe du 7 mars 2024 avec l’Union européenne;
-Mettre un terme aux opérations de recherche et d’interception en haute mer, menées en coopération avec des entités européennes et qui contribuent à l’afflux croissant de migrants dans notre pays;
-Mettre en place une politique d’immigration responsable et digne, loin de tout discours propagandiste. Les Africains vivant chez nous ou en transit doivent être traités avec humanité et respect, conformément à nos valeurs de fraternité et d’hospitalité;
-Réformer en profondeur les institutions en charge de la gestion des frontières, afin d’assurer une véritable protection de notre souveraineté et de mettre fin aux dérives actuelles;
-Tenir responsables les négociateurs de cet accord, qui ont fait preuve d’incompétence en matière de négociation internationale et d’un mépris flagrant pour les intérêts nationaux.
Yahya Loud, Député