La Mauritanie, avec ses 754 km de côtes riches en ressources halieutiques, est aujourd’hui le théâtre d’un pillage systématique de ses richesses marines. Les navires de pêche turcs, notamment ceux affiliés à des figures influentes telles que Mehmet Aksoy, président de l’Union des pêcheurs d’Izmir, exploitent ces eaux au mépris des lois nationales et internationales. Ce phénomène met en lumière des pratiques illégales et des failles flagrantes dans la gestion de ce secteur stratégique.
Inégalités flagrantes et pillage des ressources
Selon les données récentes, 616 pêcheurs mauritaniens professionnels sont actuellement inscrits comme demandeurs d’emploi auprès de l’administration maritime, espérant des opportunités qui se font rares. Ces travailleurs locaux, lorsqu’ils décrochent un emploi, gagnent un salaire mensuel dérisoire de 15 000 MRU (150 000 ouguiyas anciennes). À l’opposé, environ 1 000 marins turcs actifs dans les eaux mauritaniennes perçoivent des salaires pouvant atteindre 2 000 dollars (soit 800 000 ouguiyas anciennes), creusant ainsi un fossé d’injustice sociale et économique.
Cette disparité viole l’article 69 de la convention collective des travailleurs de la mer, qui stipule l’égalité salariale pour un travail égal. Pourtant, dans les faits, les pêcheurs mauritaniens subissent une discrimination flagrante.
Pratiques illégales et dégâts environnementaux
Les activités de certains navires turcs illustrent un mépris total pour les lois mauritaniennes. Par exemple, le navire Oruc Reis Balikcilik (IMO 9089554), affilié à Mehmet Aksoy, a été repéré pénétrant illégalement la réserve du Banc d’Arguin à plusieurs reprises. Malgré l’installation de dispositifs de suivi Argos Balise, destinés à surveiller ces incursions, les sanctions restent absentes, soulignant une complicité potentielle au sein des institutions responsables.
Les révélations d’Aksoy devant le parlement turc sont accablantes : il a admis que ses navires ignoraient les quotas de pêche mauritaniens, utilisaient des filets interdits et exploitaient à outrance les stocks de poissons, accélérant leur épuisement. Ces pratiques illégales ne sont pas isolées. En septembre 2022, des activités de transbordement illégales ont été signalées entre les navires turcs Mirem et Neslislah 1 à seulement 6 miles nautiques du Cap Blanc, en violation directe des réglementations maritimes mauritaniennes.
Une industrie du poisson hors de contrôle
Les usines de farine de poisson en Mauritanie, telles que la société MAH EL TURK - SARL, participent également à ce système de prédation. Ces entreprises utilisent des espèces protégées comme la sardinelle (yaboy), malgré les interdictions formelles de la part du ministère chargé des ressources halieutiques. Cette exploitation effrénée met en danger l’écosystème marin et la subsistance de nombreuses communautés locales.
Les scientifiques mauritaniens tirent la sonnette d’alarme : certaines espèces, dont la sardinelle, sont désormais considérées comme surexploitées. Pourtant, la mise en œuvre des directives ministérielles pour protéger ces ressources reste défaillante, offrant ainsi un boulevard aux pratiques illégales.
Un appel à l’action
Le pillage des ressources halieutiques mauritaniennes par des acteurs étrangers comme les navires turcs illustre un double échec : celui de la gouvernance nationale et de la souveraineté sur ses ressources naturelles. Il est urgent d’ouvrir une enquête approfondie pour identifier les responsables de ces abus au sein des institutions, notamment la garde côtière. Une réforme structurelle du secteur est également indispensable pour mettre fin à ces inégalités et restaurer la confiance dans la gestion des ressources marines.
La Mauritanie ne peut se permettre de continuer à perdre des millions de dollars chaque année à cause de la corruption et du laxisme. Le temps est venu pour une action courageuse et déterminée afin de protéger les droits des pêcheurs mauritaniens et de préserver un patrimoine écologique unique pour les générations futures.