Dans un communiqué publié suite à la décision N° 2024/09 du Conseil constitutionnel, la défense de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz a exprimé une position divergente face à celle de la partie civile. Les avocats de l’accusé réfutent les conclusions tirées par le Collège des Avocats de l’État, estimant que la décision du Conseil conforte leurs arguments sur l’immunité constitutionnelle de leur client.
Position de la défense
Selon le collectif des avocats, le Conseil constitutionnel n’a examiné qu’un seul point de l’article 2 de la loi N° 2016-014 relative à la lutte contre la corruption, à savoir le paragraphe 2b/1. Ils soulignent que dans son article 2, le Conseil a affirmé que :
« La protection accordée au président de la République pendant l’exercice de ses fonctions en vertu de l’article 93 de la Constitution n’est pas affectée par les dispositions contestées. »
La défense estime que cette affirmation confirme la supériorité de l’article 93 sur les lois ordinaires, consolidant ainsi leur position initiale selon laquelle l’ancien président bénéficie d’une immunité constitutionnelle pour les faits reprochés. Selon eux, cette décision montre que les droits et prérogatives du président garantis par la Constitution restent pleinement protégés.
Le collectif critique également les accusations de désinformation portées contre lui, affirmant que leur lecture repose sur les termes exacts de la décision, et accuse la partie civile de chercher à détourner l’attention des faits juridiques en manipulant l’opinion publique.
Réponse de la partie civile
Le Collège des Avocats de l’État a, de son côté, publié un communiqué où il interprète différemment la décision du Conseil constitutionnel. Selon eux, la conformité de l’article 2b à la Constitution, telle qu’affirmée par le Conseil, établit clairement que Mohamed Ould Abdel Aziz peut être poursuivi pour des faits de corruption devant les juridictions de droit commun, même en sa qualité d’ancien président.
La partie civile rejette les arguments d’immunité avancés par la défense, les qualifiant de "totalement infondés". Elle accuse également la défense de désinformation et de chercher à détourner l’attention de l’opinion publique en faisant une lecture biaisée de la décision.
Une confrontation juridique persistante
Ces positions opposées reflètent les tensions croissantes dans ce procès à haute charge symbolique. D’un côté, la défense insiste sur la primauté de l’article 93 de la Constitution pour protéger l’ancien président. De l’autre, la partie civile affirme que la décision du Conseil constitutionnel renforce l’idée que l’immunité présidentielle ne peut couvrir des actes de corruption. La bataille d’interprétations promet de se poursuivre devant les juridictions compétentes.
Les implications juridiques et politiques de la décision
La décision du Conseil constitutionnel, bien qu'elle ait une autorité définitive et s'impose à toutes les parties, est au cœur d'une lutte d'interprétation qui illustre les enjeux juridiques et politiques de cette affaire. Si la défense voit dans cette décision un soutien à leur position sur l’immunité présidentielle, la partie civile insiste sur le fait qu’elle ouvre la voie à des poursuites judiciaires contre l’ancien président pour des faits de corruption commis durant son mandat.
Pour la défense, l’article 93 de la Constitution reste une garantie essentielle pour protéger Mohamed Ould Abdel Aziz contre les poursuites. En revanche, la partie civile argue que cet article ne couvre pas les actes de corruption, considérés comme des infractions graves contre l’intérêt public.
Une bataille d’opinion
Les divergences entre les deux camps ne se limitent pas aux arguments juridiques, mais s’étendent également au domaine de l’opinion publique. La défense accuse la partie civile d’exploiter la médiatisation de l’affaire pour ternir l’image de Mohamed Ould Abdel Aziz et détourner l’attention des "failles" du système judiciaire. À l’inverse, la partie civile reproche à la défense de vouloir semer le doute sur la légitimité des institutions, notamment en minimisant la portée de la décision du Conseil constitutionnel.
Un débat au-delà des tribunaux
Cette affaire ne se limite pas à une confrontation juridique. Elle a des implications importantes pour le paysage politique mauritanien. L’ancien président, accusé de détournement de fonds publics et d’abus de pouvoir, reste une figure controversée. Pour ses partisans, les poursuites engagées contre lui relèvent d’une vendetta politique. Pour ses détracteurs, elles représentent une étape nécessaire pour renforcer l’État de droit et lutter contre l’impunité.
La suite de la procédure
Alors que la décision du Conseil constitutionnel renforce les fondements légaux du procès, les prochaines étapes devant les juridictions de droit commun s’annoncent cruciales. Elles devront clarifier non seulement les responsabilités de Mohamed Ould Abdel Aziz, mais également l’application des lois anti-corruption dans un contexte où les institutions judiciaires et politiques sont sous forte pression.
Le débat sur l’immunité présidentielle, relancé par cette affaire, pourrait également avoir des répercussions durables sur la réforme institutionnelle en Mauritanie, en posant la question de l’équilibre entre les pouvoirs et les limites de la responsabilité des hauts dirigeants.
Ce procès, au-delà de son enjeu immédiat, est donc aussi un test pour la crédibilité du système judiciaire et l’avenir de la gouvernance dans le pays.