La nécessaire introspection pour réussir la concertation | Mauriweb

La nécessaire introspection pour réussir la concertation

dim, 24/04/2022 - 21:21

Pr Mohamed ould Mohamed El Hacen - Messieurs Mesdames de la concertation/dialogue

Nous vous invitons à méditer et à lire ces réflexions dans l'intérêt de tous. C'est je crois le moment.

Depuis sa naissance en tant qu'Etat moderne, la Mauritanie a vu plutôt alterner des crises non résolues et des campagnes effervescentes de mystification utilisées comme antidote, sans jamais connaître d’alternance démocratique véritable, sa démocratie, de plus en plus en survie, n’est qu’électorale.

Rétrospectivement, des crises structurelles ou conjoncturelles, anciennes ou récentes, épisodiques ou récurrentes, ou encore leurs séquelles, jonchent le parcours de notre jeune Etat et laissent des accessoires plus pernicieux que le principal, quand elles ne s’éternisent pas.

Nous n’avons pas eu du répit, ni du recul pour réfléchir, ni pour mûrir. L’infantilisme nous gouverne encore à l’âge de 62 ans, sans que nous le sachions.

Les cheveux blancs des premières générations d’élites civiles et les moustaches touffues grisâtres ou teintées des élites militaires qui les ont suivies cachent mal «l’enfant difficile ou l’enfant gâté» du psychologue Alfred ADELER qui habitent les décideurs qui se sont succédés après le President fondateur, Moktar Ould Daddah.

En effet, dès sa première enfance, notre Etat a vu les catastrophes naturelles se succéder et alterner avec les crises politique infantiles et les crises d’adolescence:

A l’âge de 6 ans, ce furent les événements de 66; à 10 ans, la sécheresse des années 1970; à 15 ans, nous fîmes la Guerre du Sahara, en 1975; à notre majorité, complexe d’Oedipe, Coup d’Etat militaire de 78 contre le Père de la Nation; troubles scolaires 1979, remède mille fois pires que le mal; institution du modique enseignement séparé; événements de 89, conséquence, entre autres, des décisions de l’enseignement séparé de 79, avec, de surcroît, conflit avec notre voisin du Sud, le Sénégal, et ce en dépit du partage des peuples, de cultures, de coutumes et des mœurs qui caractérisent deux pays qui n’en faisaient qu’un; tentative de coup d’Etat racial; rafale de coups d’états: coup d’Etat 2003 et coup d’état 2005; inondation Tintane; Coup d’Etat contre le premier Président élu démocratiquement avec crises politiques et institutionnelles de 2008/2009;crises financières doublées de sécheresse en 2014/2015; crise diplomatique prolongée avec notre voisin du Nord, le Maroc, en dépit de la transfusion de peuples, de cultures et de coutumes des mœurs des deux pays qui en font une race; liquidation d’entreprise publiques stratégiques et vitales pour notre développement économique et social SONIMEX, ENER, Agence pour l’accès univers, AMEXTIP, Patrimoine foncier public, patrimoine minier et halieutique .;surendettement extérieur record et excessif...

Et j’en passe.

Chaque crise a laissé ses séquelles, des conséquences néfastes, des passifs qui s’ajoutaient les uns aux autres, des reports à nouveau négatifs, dans les bilans du pays, telles les dettes du mauvais payeur ou du failli.

Les problèmes s’accumulent,s’aggravent et se compliquent sans trouver de solutions. Les remèdes sont pires que le mal, l’huile étant utilisée, chaque fois, pour éteindre les feux !

Les grandes décisions concernant des questions de portée stratégique et déterminantes dans vie du pays sont prises à la légère, sans études préalables qui auraient pu permettre d’anticiper leurs effets négatifs, leurs résultats fâcheux et dramatiques.

Lorsque, ce faisant, les résultats de ces actions, qu’on n’a pas pu prévoir ni prévenir, apparaissent au grand jour, nous n’arrivons pas, faute de volonté et, de plus en plus, par déficit en compétences et en capacité cognitive et cérébrale des décideurs, à identifier les solutions qui auraient permis de réparer, et de corriger les torts.

Nous appréhendons les problèmes comme s’ils étaient sans causes et sans solutions, car ce qui importe pour nous, c’est la subjectivité, l’inquisition et l’imputation de leur de responsabilité aux autres.

Aujourd’hui, une opportunité historique se présente à nous de reprendre nos clefs, de réviser nos grilles de lecture pour découvrir, en toute humilité, ces réalités et prendre le taureau par les cornes, le chameau par ses oreilles pour essayer de les dépasser, pour consommer leurs deuils et laisser leur traumatisme derrière nous, au lieu de nous nourrir d’une inguérissable mélancolie qui interdit toute lucidité.

Messieurs de la Concertation/ dialogue

Vous portez déjà, sans en être apparemment très conscients, la responsabilité d’ avoir conduit des campagnes dans lesquelles les clivages tribaux, régionaux et ethniques, constituérent malheureusement les traits marquants et firent les lignes de démarcations entre vous, puis conduisirent au tribalisme, ethnique et régionaliste destructurants et destructeurs.

En effet, depuis quelques années, on observe un recours systématique, par des intrus sur la scène politique et des procédés incompatibles avec la démocratie, à des campagnes en continu avant, pendant et surtout après chaque élection, (ce qui est illégitime et plus grave). Campagnes Permanentes sans interruption et sans arrêt!!?

Ces campagnes qui paralysent les activités productrices de richesses intellectuelles ou économiques, détruisent tant de substances et d’énergies et ont pour toile de fond <>, ne sont, en dernière analyse, faites que de cris, des slogans réducteurs. Les discours qu’elles véhiculent ne font que fructifier et renforcer les clivages rétrogrades que nous croyions avoir, depuis longtemps, dépassés.

Les charges sentimentales et émotives constituent le carburant exclusif de ces campagnes. L’animation de la vie "politique" et médiatique ne comporte aucun débat sur le devenir du pays, aucun débat sur les problèmes de l’heure. Rien que des répétitions serviles de slogans. Tout le monde applaudit et danse, gémit ou pleurniche, mais personne ne réfléchit ni ne pense.

Le Pays, la Nation, l’Etat, l’intérêt général, le bien et l’intérêt communs sont des termes très rarement évoqués dans ces campagnes où la fibre patriotique et nationaliste et les valeurs citoyennes ne sont plus guère palpables.

Dans les campagnes et discours politiques on fait moins recours au travail d’architecture qu’à celui d’archéologie qui n’érige rien et ne vise qu’à déterrer les erreurs, les fautes de ses propres prédécesseurs ou concurrents.

Ainsi les tensions toutes sortes créées artificiellement y atteignent leur paroxysme. La campagne 2019, point d’aboutissement des campagnes d’une décennie, a eu le mérite’’ de nous alerter sur les dangers et risques auxquels elle nous expose, en faisant apparaître au grand jour les germes des mauvaises graines de la division semées sciemment pendant la ‘’campagne permanente’’, et suivant la méthode de repiquage azizien, non pas à la volée et de manière inconsciente, comme cela pouvait arriver épisodiquement auparavant mais, au contraire de manière consciente et délibérée. «Qui mal sème, mal récolte», dit cependant l’adage.

On en arrive à se demander si ces campagnes sont pas utilisées comme instruments pour raviver davantage des tensions en exacerbant les clivages raciaux-ethno-tribalo-régionaux, ce qui est un crime contre l’humanité.

Si cet héritage n'est pas liquidé et anéanti, nous risquons, cette fois, d’opérer un bond spectaculaire en arrière.

Par la tribalisation, la régionalisation et l’ethnicisation, conscientes ou spontanées, symptômes de dégénérescence, nous risquons de nous désengager du processus de démocratisation, ce qui pourrait conduire à un déclin des plus préoccupants.

Pourquoi mener des campagnes contre un Président de la République notoirement, sans sève et sans programme?

Où est la démocratie? Croyez-vous avoir le droit de jouir des modalités et procédures de la démocratie si vous les détournez de leurs finalités: le développement politique et économique dans l’harmonie sociale?

Nos adhésions et nos votes prennent toujours un caractère Intuitu personae, «en fonction de la personne», comme si la République était un clan!

(A suivre)

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Institut 2IRES

Mohmed ould Mohamed El Hacen

Nouakchott le 23 avril 2022