Francetvinfo - Alors que l'armée malienne affirme avoir menée une opération anti-terroriste fin mars à Moura (Mali), les habitants du village et plusieurs ONG affirment que les militaires se sont livrés à des massacres et que la majorité des victimes sont des civils.
Cinq jours d’horreur et de massacres : voilà ce que décrivent les habitants de Moura, dans le centre du Mali. L'armée malienne affirme y avoir mené une action antiterroriste du 27 au 31 mars et revendique la mort de plus de 200 jihadistes.
Or, les habitants de cette bourgade et plusieurs ONG assurent que la majorité des victimes sont des civils. franceinfo a rencontré deux survivants qui se sont réfugiés à Bamako.
Ali* se souvient de l'arrivée des hélicoptères, alors qu'il rentrait de brousse. "On nous a emmenés au bord de la route. Pendant cinq jours, sans dormir, on nous donnait très peu d’eau." Sur l’écran de son téléphone, l'homme de 19 ans pointe le lieu de son calvaire. À quelques centaines de mètres de sa maison, il a vu les hommes exécutés un à un. "Tous ceux qui avaient peur, ils les mettaient sur le côté et les tuaient. Ils disaient que ceux qui avaient peur des soldats étaient forcément des terroristes."
Des "soldats blancs" avec les militaires maliens
Ali a ainsi vu des membres de sa famille mourir sous ses yeux. "J’ai vu quatre des oncles de ma femme se faire tirer dessus. Beaucoup de forains qui venaient tous les dimanches ont aussi été tués." Il y a eu "trop de morts" pour tenir un décompte précis, dit-il, les yeux rivés dans le vide. Il assure en avoir enterré une centaine. "On a mis 50 corps dans une fosse, 60 dans une autre."
"On les mettait dans des nattes et on les portait. C’était affreux, certaines de leurs têtes étaient en morceaux. C’était très dur."
Ali, habitant de Moura (Mali) à franceinfo
Adama* aussi se souvient des hélicoptères, des tirs et des exécutions sommaires. "D’abord, il y a eu deux hélicoptères. Ils ne transportaient que des blancs. Ce sont eux qui ont fait le plus de dégâts...", souffle cet homme. Si les survivants ne désignent pas nommément le groupe paramilitaire russe Wagner, selon plusieurs témoins, ces militaires blancs ne parlaient pas français. Pour eux, il s'agissait probablement de mercenaires russes.
Cet élément est accrédité par "plusieurs sources sécuritaires" auprès de l'ONG Human Rights Watch et Amnesty International. Les autorités maliennes, elles, réfutent toujours la présence de mercenaires russes et parlent d’instructeurs. La justice militaire a malgré tout ouvert une enquête sur le sujet le 7 avril.
*Les prénoms ont été modifiés.
Par Manon Laplace - édité par Clémentine Vergnaud - franceinfo