Le Calame - Après la pose, réussie, de cathéters au Centre national de cardiologie (CNC), l’évolution positive de son état de santé et des manifestations, réprimées, de ses soutiens réclamant, devant ledit établissement, on évacuation à l’étranger pour bénéficier de soins appropriés, l’ex-président Mohamed ould Abdel Aziz a fini par obtenir une liberté provisoire à domicile.
La demande des médecins semble avoir pesé sur la décision des autorités du ministère de la Justice qui ont cependant tenu à rappeler que l’état de santé de MOAA placé en détention provisoire depuis Juin dernier ne nécessite pas son transfert à l’étranger.
Il doit donc rester chez lui sous contrôle des médecins qui l’ont opéré. Pour certains mauritaniens, cette décision présagerait du prochain élargissement du tombeur de feu Sidi ould Cheikh Abdallahi en Août 2008.
Beaucoup de questions…
De fait, le dossier dit de la décennie semble perdre de sa pesanteur. Le pouvoir a presque réussi à le banaliser, pour ne pas dire faire oublier dans une certaine mesure, alors que l’adhésion d’Ould Abdel Aziz et de ses proches au parti Ribat de Saad Louleïd venait de le remettre sous les projecteurs.
Conscients de la détermination de son ex-ami de quarante ans à le liquider à petit feu, à l’enterrer politiquement, ses proches, soutiens et conseils se battent, depuis, à coups de manifestations, déclarations et autres demandes de liberté provisoire. Ils ont interpelé le président Ghazwani sur la dégradation de ses conditions de détention. En vain. Le Président et son gouvernement arguent que la justice est indépendante : à elle de décider ! Et c’est ce qu’elle vient de faire devant l’état de santé d’Ould Abdel Aziz.
Poussé comme en son dernier retranchement, le pouvoir cède enfin. Et l’opinion de s’interroger : le dossier finira-t-il par s’estomper à la longue ? L’ex-Président bénéficiera-t-il, si sa convalescence se prolonge, de plus de souplesse ? D’ici là, la machine judiciaire va-t-elle s’emballer et procéder au jugement du prévenu pour lui ôter toute possibilité de se présenter aux prochaines législatives ?
Ould Abdel Aziz, qui a juré de poursuivre sa carrière politique, profitera de toutes les opportunités pour se replacer dans l’arène. Conscient de sa détermination à ne pas mourir politiquement, à « laver l’affront » comme le dit celui-ci, le pouvoir de son ami en prendra-t-il le risque ? Le gouvernement de Ghazwani dont les insuffisances ont été épinglées par MOAA saura-t-il parer aux manœuvres de l’ex-ami dont tous redouteraient la capacité de nuisance, une fois sorti de prison ?
C’est peut-être une des raisons qui poussent le gouvernement à lui refuser une évacuation à l’étranger. Là-bas, l’ex-Président ne manquerait pas d’activer ses connexions pour déstabiliser le pouvoir en place. Ce ne serait au demeurant pas une tâche aisée, tant Ghazwani semble bénéficier d’une singulière aura au plan sous-régional, régional, voire international. Les appels téléphoniques qu’il a reçus de ses voisins lorsqu’il a été déclaré positif au coronavirus le démontrent amplement.
Et le temps passe…
Au plan intérieur, le président de la République continue à asseoir son pouvoir en procédant à des réaménagements au sein des forces armées et de sécurité, pour y placer ses hommes. Reste qu’il doit rapidement reprendre la main en se débarrassant d’une équipe qui ne gagne presque aucun de ses challenges. C’est lui-même qui l’a dit en poussant un vrai coup de gueule quand il s’est rendu compte du retard que prenaient ses engagements électoraux à se matérialiser.
Le discours de Ouadane et le méga-meeting de l’UPR du 25 Décembre forment certes un gain politique important mais le dialogue qui peine à prendre demeure un point sombre du tableau. La pandémie COVID et la dégradation des conditions de vie des populations démunies, étranglées par la hausse continue des prix, ne lui ont pas, non plus, rendu de gros services. Mais cela ne suffit pas à expliquer tout. Il faut revoir la gouvernance et les hommes qui la conduisent.
Or les rumeurs de réajustement gouvernemental tardent à se concrétiser, alors que le temps presse : le Président aborde la seconde moitié de son mandat et les élections régionales, législatives et municipales vont bientôt poindre à l’horizon...
Dalay Lam