Cet hommage, ou plutôt ce témoignage –on ne peut pas prétendre faire des hommages après Ablaye qui maniait à merveille cet exercice- devrait intervenir bien avant une semaine après sa disparition.
Malheureusement je suivais un traitement à l’extérieur pour corriger ma vision défaillante.
La dernière fois que j’ai vu Ablaye c’était la veille de mon voyage. Une semaine avant son décès. Je l’ai rencontré dans sa chambre à coucher. Il avait beaucoup maigri et peinait à avaler des pâtes qui constituaient son diner, pourtant préparé de main de maitre par sa fidèle et toujours présente épouse Fatou.
Il était souriant mais n’arrivait presque plus à parler. Je lui raconte le récit mon évacuation à l’extérieur. Sa réaction se limitait à hocher sa tête. Il semblait si faible qu’il ne pouvait plus réagir.
Bête que je suis, son état de faiblesse ne m’a point alerté sur l’évolution négative et rapide de sa maladie. C’était, comme au début de cette année, lorsqu’il est venu à notre bureau me rendre compte d’une consultation chez l’un de ses médecin qui, en consultant une radio, l’a alerté sur un point noir au niveau du poumon qui pouvait ‘’être dangereux’’.
Au lieu de s’alarmer, il sourit et me dit ‘’les malheurs tombent en cascades’’. Insouciants tous les deux, nous ne sommes pas inquiétés outre mesure de cette éventualité qui devrait malheureusement être fatale pour lui.
Dans sa vie, Ablaye n’a jamais été un calculateur, ni un opportuniste. Il se moquait même de ceux qui s’attachent ‘’sauvagement’’ aux avantages de la vie.
Qu’est ce qu’il n’a pas perdu d’opportunités : en abandonnant très tôt ses études (au collège), lui qui fut un excellent élève… Et bien d’autres belles opportunités dont celle, plus ou moins récente, au début des années 90, de correcteur au Journal le Monde. Un club respecté et très bien rémunéré. Il avait réussi brillamment l’écrit et ne lui restait qu’un oral devant trois dames qui constituent le jury. Après plusieurs tours de questions, l’une d’elles lui demande si le français est sa langue maternelle. Irrité par cette question, qui sentait ‘’l’odeur pestilentielle’’ du racisme, il rétorqua en quoi cela concernait son futur job de correcteur ? Résultat : Ablaye, intraitable sur les principes, est recalé…
Sur le plan national, Ablaye militait fermement et inlassablement pour défendre et raffermir l’unité nationale. Il ne supportait pas les extrémistes des deux bords et ne ratait pas d’occasion pour croiser le fer avec eux. Particulièrement sur la toile. A des extrémistes négro-africains qui lui reprochaient son attachement aux maures, il retournait la question dérision en disant qu’il aime ‘’surtout les mauresques…’’
Il est important tout de même de savoir qu’Ablaye, l’écrivain journaliste au verbe acerbe, est un homme de compromis qui a toujours milité pour une certaine entente entre tout le monde.
Au sein de son parti, l’UFP, il n’a épargné aucun effort, ces dernières années, pour ramener les deux camps en conflit à la raison. Pour ne pas le trahir, je ne rentrerai pas dans les détails, mais je peux dire qu’il disait aux uns et autres qu’ils demeureraient, idéologiquement, plus proches entre eux qu’avec les autres acteurs de la scène politique.
Personnellement, j’ai beaucoup appris de mon frère, ami, confrère et confident Ablaye dont la disparition m’attriste et m’afflige…
A son épouse, à ses enfants, à ses amis et à toute la Mauritanie, je présente mes condoléances les plus attristées.
Que la terre lui soit légère !
Moussa Ould Hamed