Le Courrier du Nord - Dans un monde dominé par les hommes, ce n’est pas tous les jours que l’on parle de la réussite d’une femme mais celle, exceptionnelle, de Mme Saadani Mint Ahmednah mérite bien qu’on s’y arrête.
Acteur important du secteur touristique et de l’hôtellerie en Mauritanie, étant à la tête de l’un des plus grands hôtel du pays, cette self-made woman a d’abord exploré plusieurs autres domaines d’activités avant de trouver celle qui convient le mieux à son tempérament et à son ambition.
Vingt ans passés entre la pêche et la sous-traitance avant d’investir dans le tourisme et être à la tête d’un hôtel qui aura coûté la bagatelle de 2 millions d’euros (environ un milliard d’ouguiyas anciennes) et compte aujourd’hui parmi les établissements les plus importants du pays.
Venant d’une femme qui s’est frayé son chemin dans un univers où les hommes ramènent presque tout à leur personne, cet exploit aurait dû être récompensé, ne serait-ce que par une reconnaissance officielle pour celle qui a su faire preuve de persévérance et lutter pour montrer à ses consœurs que seul le travail paye et garantit le plein accomplissement de l’individu, qu’il soit homme ou femme.
L’histoire de Mint Ahmednah est donc bien une victoire à marquer à l’encre d’or contre les mentalités masochistes qui ont toujours fait la part belle à l’homme, en matière de privilèges dans les affaires et dans l’administration où les femmes ont pourtant donné la preuve qu’elles sont meilleures gestionnaires. L’hôtel que dirige cette femme en est l’illustration parfaite parce que, au moment où le secteur plie sous les problèmes, tant à Nouakchott qu’à Nouadhibou, elle parvient à se hisser en tête tant du point de vue rendement que respect des normes internationalement reconnues.
Elle reconnaît cependant que le chemin qu’elle a parcouru, en travaillant comme stagiaire, au début des années 1990, à la société de pêche mauritanienne-tunisienne n’a pas été balisé de fleurs. Une expérience qui n’a pas duré longtemps parce que l’entreprise a été fermée et que Mint Ahmednah s’est retrouvée par la suite employée en charge du marketing dans une société de pêche roumaine en charge du marketing.
Un passage instructif et bénéfique puisque, de par sa soif de connaître et de réussir, Mint Ahmednah se retrouvera au département de la comptabilité après avoir pas mal appris sur le processus de production et d’exportation de l’or bleu vers les marchés d’Europe et d’Asie.
L’expérience de la pêche traditionnelle
Comme toute chose a un début, Mint Ahmednah décide d’investir – et de s’investir – dans la pêche traditionnelle en achetant deux embarcations et en travaillant pour son propre compte. Une expérience qui tourne court parce que ce monde où évolue exclusivement des hommes lui apparaît comme sans foi ni loi.
Volée, parce qu’elle n’avait aucun moyen de contrôler les agissements en haute mer d’équipages qu’elles louent, elle décide d’abandonner avec le sentiment d’un premier échec en vendant les deux embarcations. Elle croit avoir trouvé le bon créneau en opérant une reconversion, non plus de propriétaire d’un outil de production (les embarcations) mais de « traiteuse », quand elle achète du poisson et essaie de percevoir honnêtement une plus-value.
Re-échec parce que, là aussi, il s’agissait d’une mare aux caïmans tout aussi pernicieuse que celle d’être femme mareyeuse. Elle persiste pourtant – et signe – en essayant de travailler comme entrepreneure qui finance les activités de pêche et procure les équipements nécessaires à ceux qui n’avaient que la force de leurs bras et la volonté d’affronter les vagues pour extraire un trésor qui profite plus aux étrangers qu’aux nationaux. Après 15 ans, elle est obligée encore d’abandonner, à cause des pesanteurs sociales et bien que le domaine soit pourtant bien porteur.
Le monde du tourisme, la vraie vocation
La décision de création de la zone franche de Nouadhibou, en janvier 2013, avait fait naître en Saadani Mint Ahmednah l’idée d’investir dans le tourisme qui était l’un des pôles phares du projet. Croyant fortement en le boom économique que les prévisions prévoyaient pour la ZFN, elle crée son hôtel grâce à un prêt bancaire et à un investissement propre mais, sept ans plus tard, elle se rend compte que le résultat n’est pas à la hauteur des espérances.
Face aux difficultés engendrées par des chocs exogènes et en guise de reconnaissance de son engagement de femme pionnière dans des domaines où les hommes font leur loi, Mint Ahmednah mérite bien les encouragements de l’État qui doit l’encourager et la donner en exemple aux autres femmes, en orientant les manifestations qui se tiennent dans la ville vers son établissement.
Elle mériterait également que la ministre des affaires sociales la reçoivent et lui témoigne toute l’estime qu’elle mérite pour avoir montré la voie à toutes les femmes qui veulent prouver qu’être l’égale de l’homme ne se décrète pas mais s’obtient par l’engagement et la volonté de se prendre en charge et d’être « maîtresse » et « possesseuse » de son propre destin…de femme.
Par Sid'hamed Ould Mhaymed