Ouest-France - Plusieurs associations culturelles présentes en Afrique du Nord ont écrit à la Fifa et son président Gianni Infantino afin de faire changer le nom de la Coupe Arabe.
Beaucoup, notamment Berbères, ne se reconnaissent pas en ce terme et évoquent « une terminologie discriminatoire ». La Coupe Arabe bientôt au cœur d’une polémique ?
Une dizaine d’associations culturelles de Tunisie, du Maroc mais aussi de France ont en tout cas envoyé une lettre à Gianni Infantino, le président de la Fifa, pour se plaindre de l’emploi du terme « arabe », excluant certaines populations comme les Amazighs (berbères) en Afrique du Nord ou bien encore les Kurdes au Moyen-Orient.
« La Fifa organise pour la première fois un événement construit autour d’un référent ethnico-racial […] Dans son discours, elle adopte une terminologie discriminatoire qui baigne dans une idéologie aujourd’hui dépassée telle l’expression du « monde arabe » qui ne signifie pas grand-chose sinon l’exclusion des autres composantes de la région en question », est-il indiqué dans la lettre.
« Cela nous a choqué »
Contacté, Hassan Aselouani, le coordinateur du mouvement associatif, explique : « La Fifa organise un événement basé sur une race alors qu’ils ignorent les évolutions des peuples. Les habitants d’Afrique du Nord ne disent pas Arabes mais Berbères et les Kurdes ne se considèrent également pas comme Arabes. Cela nous a choqué car ils considèrent que tout le monde est arabe mais ce n’est pas le cas. En Afrique du Nord, on n’utilise pas ce terme, c’est quelque chose d’Occidental. »
Cette contestation n’est pas nouvelle, elle existait déjà lors des précédentes éditions, dont la dernière en 2012, « mais le Printemps Arabe a fait que les peuples se taisent moins, estime Hassan Aselouani. En Libye, par exemple, il y a près de 20 % de Berbères et ceux-ci sont aujourd’hui en négociation pour que leur langue devienne officielle dans le pays, ce qui serait une grande avancée. »
« Ils ne sont là que comme invités »
En Algérie, Tunisie ou Maroc, de nombreux habitants se demandent en effet pourquoi leur pays situé en Afrique participe à cette compétition au Qatar, en Asie, et voient ainsi leur dimension identitaire reniée. De l’autre côté, des pays arabes, dont l’Arabie Saoudite, sont également gênés par la présence des pays d’Afrique du Nord pour des raisons historiques et identitaires.
Le journaliste saoudien Fahid Chamri avait par exemple expliqué récemment que la présence des pays nord Africains en Coupe Arabe n’était « que symbolique puisqu’ils ne sont pas arabes mais berbères. Cette compétition est arabe, ils ne sont là que comme invités. Notamment pour remplir les stades qataris ».
Des excuses à venir ?
Au-delà de ces oppositions, les associations regrettent que la Fifa et le football ne transmettent pas leurs « idéaux construits autour des valeurs universelles de tolérance, de respect de l’autre et du vivre ensemble ». Hassan Aselouani prend en exemple la rencontre entre les États-Unis et l’Iran lors de la Coupe du monde 1998. En froid depuis la Révolution de 1979, les deux pays avaient fait fi des tensions et avaient « échangé des fleurs et des cadeaux ». La Fifa avait alors décrété que cette rencontre serait celle de « la fraternité ».
Les associations attendent désormais « des excuses » et espèrent que cela « n’arrivera plus ». Et pour quelle appellation future ? « Nous souhaitons simplement l’appellation Coupe du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. » Voilà un problème auquel la Fifa n’avait peut-être pas songé. Contactée, l’instance ne nous a pas répondu.
Victor BOUTONNAT