Entretien avec Mohamed ould Dellahi, président du Parti Mauritanien pour la Défense de l’Environnement | Mauriweb

Entretien avec Mohamed ould Dellahi, président du Parti Mauritanien pour la Défense de l’Environnement

jeu, 09/12/2021 - 22:41

Le Calame - Pour Mohamed ould Dellahi, président du Parti Mauritanien pour la Défense de l’Environnement (PMDE), "la décennie d’Ould Abdel Aziz est reconnue par tout le monde comme un malheur et une catastrophe pour le pays". Entretien.

Le Calame : Depuis quelque temps, on a cette impression que les préparatifs des concertations entre les acteurs politiques s’estompent. Que se passe-t-il aussi bien du côté de l’opposition que de la majorité ? Le dialogue aura-t-il lieu ? Si oui, qu’en attendez-vous ?

Mohamed Ould Dellahi : Merci au Calame de me donner l’occasion de m’exprimer sur la situation politique. Concernant les concertations ou le dialogue, ma position a toujours été claire. J’ai en effet dit, dès le début, qu’il s’agissait d’une mascarade et plusieurs indices me poussaient à le penser.

En un, la foudre tombée sur l’honorable députée, madame Coumba Dada Kane, lorsqu’elle aborda le sujet au Parlement : elle fut immédiatement isolée par ses confrères. Deuxième indice : le Président ne voulait pas parler de dialogue. Le seul terme qu’il a accepté d’employer est le mot concertation. Ce qui veut dire : on ne demande pas vos avis mais on vous informe.

En trois, la feuille de route. Elle n’évoque ni le passif humanitaire ni la situation des déportés mauritaniens. On y cite l’esclavage et ses séquelles, les problèmes des droits de l’Homme mais les mots« passif humanitaire » ou « déportés » ne sont pas cités textuellement. Et ne seront bien sûr pas débattus en points essentiels.

Alors que ce sont ceux-ci qui posent actuellement problème, nous empêchant d’être une nation et de bâtir le pays sur une base saine. Si les parlementaires refusent de parler du passif humanitaire, le Président de réfléchir au dialogue et que la feuille de route ne contient pas le point essentiel qui est la substance essentiel du dialogue, quel dialogue pourrait-on avoir ?

Le système raciste et extrémiste joue sur la division depuis trois décennies. Cette stratégie est utilisée depuis 1978. Diviser pour mieux régner. Il a réussi à diviser les Maures et les Négro-africains mauritaniens. Et maintenant mis en place une nouvelle stratégie, beaucoup plus dangereuse, en utilisant l’arme « bidhane » (maure).

Les Haratines sont-ils maures ou non ? Il sait qu’il y a des haratines qui se disent maures et d’autres non. L’autre volet de cette stratégie vise les Négro-mauritaniens, en tentant d’isoler les Peuls des Soninkés et des wolofs. Bref, susciter la zizanie. Et il a divisé les arabo-berbères et les négro-africains mauritaniens en utilisant l’arme de la langue arabe.

Je lance un appel aux négro-africains mauritaniens et aux Haratines d’unir leurs efforts et de laisser leurs querelles intestines. Je fais aussi appel aux 90% des arabo-berbères qui ne sont responsables des injustices du système en cours, de lutter contre lui et de ne pas entrer dans leur jeu de division. Je demande à tous les Mauritaniens de s’unir contre ce système : il est notre seul ennemi. Les concertations pourront avoir lieu mais rien n’en sortira car c’est un jeu politique entre l’État et l’opposition, un jeu du chat et de la souris.

-Vous êtes le parti des Verts mauritaniens. Vos compatriotes sont-ils préoccupés par les questions d’écologie et du réchauffement climatique ? Le gouvernement fait-il assez pour faire prendre conscience aux populations des menaces qui pèsent sur notre environnement ?

- Le gouvernement n’a offert au peuple ni santé, ni éducation, ni eau, ni électricité, ni toit, ni enrôlement, ni travail…Encore moins de prendre conscience, à plus forte raison, des menaces qui pèsent sur notre environnement. Nous savons tous que les changements climatiques ont un impact direct sur la santé des gens. Nous savons aussi que Nouakchott est menacé par la montée des eaux des mers et océans. Les risques de sécheresse et d’inondation sont multipliés par dix mais rien n’est fait.

Le ministère de l’environnement ne fait pas grand-chose : beaucoup de théorie mais rien sur le terrain. Il suffit de constater, entre autres, la pollution provoquée par les entreprises industrielles.

- Que pensez-vous de la gestion du « dossier de la décennie »? Au rythme où évoluent les procédures, la justice sera-t-elle dite pour l’ancien président Ould Abdel Ould Abdel Aziz ?

- La décennie d’Ould Abdel Aziz est reconnue par tout le monde comme un malheur et une catastrophe pour le pays. J’aimerais ici expliquer qu’il n’y a pas de différence entre cette décennie et les deux années de Ghazwani. Le système est resté le même. Les personnes qui dirigeaient avec Ould Abdel Aziz sont ceux qui dirigent actuellement avec Ghazwani.

Au lieu de dire « la décennie d’Ould Abdel Aziz », il faut dire les douze années d’Ould Abdel Aziz et Ghazwani. Ils sont pareils, tous deux sont responsables de la destruction de notre pays. Ce système composé des barons de l’UPR, de certains généraux et oulémas qui gouvernaient hier avec Ould Abdel Aziz et actuellement avec Ghazwani sont responsables de la spoliation des biens de notre nation et de son isolement du monde extérieur.

Or la Mauritanie a besoin du monde extérieur et de la mondialisation pour évoluer politiquement et économiquement. Toutes ces personnes, les barons de l’UPR, les députés, les ministres, généraux, le directeur du cabinet, le Président lui-même, faisaient partie de ladite décennie.

Il n’y a pas eu de changement et cela a induit en erreur certains partis pensant qu’il y avait une nouvelle équipe et un nouveau système. Non, le système est resté le même, son idéologie et sa pensée sont toujours là.

Nous n’en sommes pas moins pour la poursuite de la procédure de la justice. Oui, Ould Abdel Aziz et les trois cent dix-sept personnes impliquées doivent être jugés. Toute la décennie doit être jugée. Tous les gens doivent rendre compte et restituer les biens volés. Ils ne méritent pas de gouverner. Cela dit et en conclusion, il y a bel et bien deux poids et deux mesures dans la gestion judiciaire du dossier de la décennie.

Le système nous a habitués à cette justice à poids et mesures variables. Un pauvre vole un peu pour le quotidien de sa famille, il est jeté pour dix ans en prison. Pendant que les généraux, les ministres, les barons de l’UPR et les parlementaires ont volé et continuent aujourd’hui encore à voler impunément l’argent du pays. Personne n’en parle tandis que le peuple vit dans la misère, sans toit ni électricité, ni eau. Le peuple est pris en otage, même notre religion est prise en otage.

- Les journées de concertations sur la réforme du système éducatif mauritanien viennent de s’achever. À la lecture du rapport final, avez-vous le sentiment que les recommandations formulées sont de nature à sortir notre école de l’ornière ? Cette réforme peut-elle renforcer l’unité nationale et cohésion sociale du pays ?

- Je ne pense pas que les recommandations formulées peuvent sortir notre école de l’ornière comme vous dîtes. Le mal éducatif est profond ; ces quelques jours ne permettent même pas d’évaluer et de diagnostiquer le problème lui-même, à forte raison lui trouver une solution. Ce que je ressens au sortir de ces journées, c’est l’apparente volonté d'arabiser à tout prix le système éducatif et de pénaliser la partie non arabo-berbère de la population.

Cette division du peuple ne fait qu’aggraver la situation. Elle va à l’encontre de l’unité nationale et la cohésion sociale. On constate encore l’influence de l’idéologie et des pensées rétrogrades du système qui gouverne, toujours aussi résolu à prendre le pays en otage. Bref, cette réforme est vouée à l’échec avant même d’être mise en œuvre. Nous félicitons d’ailleurs le président du FPC, Samba Thiam, d’avoir bien analysé la situation et de s’être retiré de cette mascarade.

- Comment évaluez-vous les deux premières années de gouvernance du président Ghazwani ?

- Un échec total. Ce sont les plus médiocres de la gestion du pays. Il a déçu toute la classe politique, même ses partenaires politiques sont déçus. Il n’a pas ni la force ni la capacité de diriger ce pays. Il est faible et nous demandons sa démission.

-Les prix des denrées de première nécessité ne cessent d’augmenter. Comprenez-vous pourquoi ? Pensez-vous que le gouvernement fait assez pour arrêter cette spirale ?

- Les importateurs, les milliardaires de l’UPR, ont dépensé des milliards pour faire élire le Président Ghazwani et n’acceptent pas de perdre leur argent. Ils le récupèrent en augmentant les prix. Le système est otage de ces hommes d’affaires et nous assistons à une danse de loups dont les victimes est la population. C’est pour cela qu’il faut déraciner le système afin que la Mauritanie entre dans la cour des grands.

- La réunion de la COP26 s’est achevée il y a quelques semaines à Glasgow, en Écosse. Êtes-vous satisfaits de ses résultats ?

- Il reste beaucoup à faire. Nous les pays pauvres, sommes les victimes. Nous espérons que les financements pour aider les pays en voie de développement vont arriver, non pas en dette mais en appui réel.

Propos recueillis par Dalay Lam