Mohamed Vall Ould Bellal - Les remous récurrents de « guerguerat » m’amènent à réfléchir à haute voix et à poser la question de savoir si la recherche de solution au Sahara Occidental ne devrait pas être négociée autrement? Voici des décennies que ce dossier est entre les mains des Nations-Unies.
Six SG se sont succédés à la tête de cette haute et honorable institution depuis 1974 jusqu’à nos jours. Presque autant d’Envoyés Spéciaux et de Représentants du SG ont été mis à l’épreuve. La mission de la Minurso a été sans cesse reconduite durant ces 3 dernières décennies.
Des séries de rencontres directes et indirectes ont été organisées entre toutes les parties concernées et intéressées. Souvent des discussions en tête-à-tête ont eu lieu entre les deux principaux acteurs du conflit..
Le travail immense abattu par l’ONU et les résultats obtenus jusqu’ici méritent sûrement respect et considération; mais sont-ils suffisants? Ont-ils la possibilité d’aboutir à une solution globale? Est-il possible de faire aboutir une négociation ouverte comme le fait l’ONU sur le problème du Sahara? Pourquoi autant de révélations prématurées de propositions provisoires et de contre-propositions abandonnées en cours de route?
A-t-on jamais vu l’ONU trancher un conflit depuis quelques décennies déjà, autrement que sous l’article 7? Une telle voie étant exclue de par la nature du conflit du Sahara Occidental classé sous l’article 6, peut-on attendre une solution miracle sous l’égide de l’ONU, sans l’appui des intéressés eux-mêmes?
Pour ma part, je ne suis pas loin de penser que l’ONU ne pourra pas à elle seule trouver la solution. Son rôle serait plutôt de cautionner et d’entériner une solution que les parties concernées et intéressées auront trouvée elles-mêmes. Je vois mal une ONU s’impliquer davantage à l’effet d’imposer un règlement à l’une quelconque des parties.
Aucune puissance ne voudra (sans contrepartie évidente) s’aliéner la sympathie de telle ou telle autre partie pour imposer une solution à un problème dont la solution est à portée de main si les parties concernées y mettent un peu de volonté.
Face à cela et connaissant bien les traditions, les us et coutumes, les valeurs culturelles des peuples, je suis persuadé qu’une médiation interne serait plus à même de rapprocher les points de vue qu’une molle action à ciel ouvert de l’ONU, non assortie de sanctions. Médiation interne ici veut dire une médiation bénévole, volontaire, civile, secrète, conduite par des personnalités de renom, respectées, aimées, dignes de confiance.
Ce serait pour nous, maghrébins, l’occasion de questionner nos propres règles de droit, ancestral et moderne, nos propres valeurs d’authenticité, de dialogue, d’ouverture, d’hospitalité, et de savoir en matière de négociation. Ne dit-on pas chez nous que «les visages gagnent là où les glaives échouent»? Ces valeurs traditionnelles sont le bien le plus précieux que nous ayons en partage, au Maghreb et en Afrique.
Avec les «sorba», pratique bien de chez nous, nos peuples ont mis fin à des guerres atroces, réglé des conflits encore plus graves, surmonté des difficultés et obstacles de tous ordres. Pourquoi ne pas tenter une initiative diplomatique maghrébine, inspirée de nos valeurs authentiques et utilisant nos voies et moyens propres, qui viendrait en appui ou en complément des efforts onusiens?
Certains verront dans ces quelques lignes un propos « rétrograde », « insensé », « passéiste », au mieux « rêveur » et « idéaliste » ou « surréaliste », nonobstant cela, je continue de penser que nous devons chercher chez nous ce que nous n’avons pu obtenir ailleurs.
Mohamed Vall Ould Bellal, ancien ministre mauritanien des affaires étrangères
Source : Cridem