Le360 Afrique - La zone franche de Nouadhibou tarde à prendre son envol à cause de pratiques frauduleuses qui l'ont détournée de ses objectifs économiques. Une mission ministérielle de haut rang dépêchée sur les lieux a émis un certain nombre de recommandations pour dynamiser cette plateforme.
La réalité de la zone franche de Nouadhibou (ZFN), grande métropole, cité portuaire et minière du nord de la Mauritanie, à la croisée des voies terrestres et maritimes Afrique de l’Ouest-Maghreb-Europe-Amérique, ressemble étrangement à l’histoire d’un décollage raté.
Conséquence, l’institution, dont la vocation est d’offrir un espace «généralement affranchi d’impôts, afin de faciliter le développement de nouvelles entreprises et la création d’emplois industriels» se retrouve au cœur d’un débat, et même d’une énorme controverse, du fait de certaines pratiques qui en ont dévoyé l’esprit, créant ainsi une espèce de mafia foncière au profit d’individus tournés vers la spéculation.
Un constat qui oblige les nouvelles autorités mauritaniennes à s’orienter vers un changement de paradigme.
La zone franche de Nouadhibou (ZFN) a été créée par la loi 2013/001 en date du 2 janvier 2013.
Mais après 8 ans d’existence, elle peine à remplir sa mission, du fait de l’attribution «de prérogatives régaliennes» totalement étrangères à la vocation originelle d’une zone franche.
Ce constat a été établi par une mission interministérielle, qui recommande de débarrasser l’institution des attributions superflues.
Ce qui reviendrait à «limiter les avantages aux seules entreprises qui ont un impact mesurable, à réduire la surface géographique de la zone franche, ainsi que son système de gouvernance, avec une prise en compte de la gestion de la transition».
Cette recommandation figure dans une communication conjointe présentée en réunion du gouvernement, le 1er octobre dernier, par le ministre des Affaires économiques et de la promotion des secteurs productifs, Ousmane Mamoudou Kane, le ministre de la Pêche et de l’économie maritime, Abdel Aziz Dahi, le ministre de l’Habitat, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, Khadija Cheikh Bouka, et le secrétaire général du gouvernement, Amadou Tijane Thiam.
Le document présenté en Conseil des ministres est le résultat d’une mission de terrain effectuée dans la capitale économique les 17 et 18 septembre 2020.
Cette communication préconise «la réalisation le plus rapidement possible, de certaines infrastructures sur le modèle des contrats de partenariat public/privé (PPP), une garantie de la fourniture des services de base (eau, électricité, moyens de communication, notamment internet), la construction d’un port en eau profonde et d’un aéroport, la garantie d’un système d’assainissement aux normes, une formation et une professionnalisation des ressources humaines, en vue d’avoir une main d’œuvre qualifiée; et une revue du régime de la fiscalité de la pêche par l’application de la Stratégie nationale de développement durable et inclusif de la pêche maritime».
Multiples maux et bilan médiocre
La mission gouvernementale dresse un bilan sombre caractérisé par «une absence des conditions nécessaires à la réalisation des objectifs assignés à la Zone Franche de Nouadhibou (ZFN)».
Le document ajoute que a mission originelle de la ZFN a été dévoyée pour en faire un outil «d’expropriation, de morcellement et de vente aux enchères publiques de terrains ou d'espaces appartenant à l’Etat. Par exemple en 2016, l’autorité de la zone franche a vendu 600 lots situés dans la zone des cabanons à des privés totalisant des revenus de 8 milliards d'ouguiyas».
Par ailleurs «le régime fiscal et douanier accordé par la zone franche est venu se superposer aux autres régimes dérogatoires au niveau de Nouadhibou: régime commun, régime Société nationale industrielle et minière (SNIM), régime Poly Hong Dong, régime points francs, régime Code de la pêche, régime des hydrocarbures et régime des Codes des investissements».
Ces conclusions de la mission gouvernementale recoupent parfaitement l’opinion de nombreux observateurs s’exprimant à travers les réseaux sociaux.
C’est le cas notamment de Mohamed Yahya ould Haiba, qui soutient qu’en créant la ZFN, «les décideurs de l’époque l’ont voulue comme un mirage pour cacher des malversations. L’essentiel pour eux n’était pas la réussite du projet, mais son usage des fins privées (emplois fictifs, morcellements de terrains distribués au patron de la décennie écoulée et ses proches, des usines de conserves de poissons, de farine et d'huile de poissons qui ont fleuri comme des champignons, des bateaux qui pêchaient dans les eaux sans payer aucune taxe, des appels d’offres systématiquement attribués à des proches».
Enorme manque à gagner pour le fisc dont les ressources sont nécessaires à la réduction de la pauvreté, nouvelle mafia foncière et impact marginal sur l’emploi, il faut alors imaginer un nouveau paradigme de fonctionnement à travers la réforme de la loi 2013.
C'est l'option privilégiée par le gouvernement.
Depuis sa création la zone franche de Nouadhibou (ZFN) affiche les chiffres suivants: «452 entreprises agréées. Parmi celles-ci, 294 restent encore en activité, 130 sont en cours d’installation et 28 enregistrements ont changé de régime».
Ces sociétés opèrent dans la pêche, l’industrie, le tourisme, notamment.
Par De notre correspondant à Nouakchott
Amadou Seck