Le nouveau président de la République a pris fonction, le 1erAoût 2019. Cela fera donc bientôt quarante-cinq jours qu’il est censé détenir le pouvoir. Et les Mauritaniens s’impatientent déjà ; on lui demande des actes forts, une rupture même.
Ayant rongé leurs freins depuis des années, certains cadres espèrent sortir de l’ombre et bénéficier de promotions juteuses, à l’instar de tous ceux qui eurent la chance de goûter au délice. D’autres, moins ambitieux, souhaitent simplement que le Président fasse de sorte que leur quotidien s’améliore.
Autrement dit, que baissent les prix des denrées de première nécessité, des prestations médicales et scolaires et autres trivialités quotidiennes ; que le chômage des milliers de jeunes mauritaniens soit contenu dans les limites de l’acceptable ; que la croissance ici et là brandie profite, effectivement, à l’ensemble de la population, via des investissements innovants et structurants ; que tous les Mauritaniens jouissent des mêmes droits et répondent des mêmes devoirs…
Balayer la maison, à l’orée de son premier mandat et illico presto : voilà ce que presque tous attendent du président Ghazwani. Ne seraient-ils pas trop pressés, ces Mauritaniens ? Peut-être, mais les attentes, pour ne pas dire les espoirs, sont, eux, assurément immenses. Au point, d’ailleurs, que tous oublient un élément pourtant essentiel de la donne actuelle : le nouveau Président ne vient pas de l’opposition.
Il lui donc très difficile, en cette position, de satisfaire l’opinion, aussi pressée soit-elle, tout comme, d’ailleurs, nombre de ceux, hors du sérail, qui ont choisi de le soutenir. Agir vite ne semble pas la voie immédiatement en vue de Ghazwani. Jusqu’à quand ?
Ce n’est un secret pour personne : le nouveau Président est issu du « système militaro-politique » qui régente le pays depuis un certain 10 Juillet 1978. Il a dirigé les plus importantes institutions miliaires et sécuritaires du pays et, à ces titres, cheminé, pendant plus de quarante ans avec son prédécesseur.
Des rapports de proximité et de confiance qui amenèrent le système à l’introniser dauphin d’Ould Abdel Aziz. On a parlé d’un « deal » entre les deux hommes, qui endiguerait toute velléité de changement ou de rupture.
Certains sont allés plus loin, au lendemain de la nomination d’Ould Djay à la tête de la juteuse SNIM, en y voyant la preuve de ce que ce serait toujours Ould Abdel Aziz qui gouverne le pays, depuis son exil doré à Istanbul. En totale continuité, donc, d’un pouvoir conquis de force par les deux hommes, en Août 2008, contre l’ex-président Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi.
Quel réveil ?
En dépit de cette impression de déjà vu ou de perpétuel recommencement, divers observateurs avertis de la scène politique croient, dur comme fer, que le nouveau Président ne va pas tarder à opérer des changements attendus par les Mauritaniens, mais qu’il a encore besoin de temps.
Longtemps hésitant à prendre un pouvoir que d’autres ne voulaient pas quitter, il se sait en terrain miné. Réputé bon artificier, il doit donc d’abord s’atteler à déminer les lieux, sans fâcher son ami, ses proches et fidèles.
Quatre conseils des ministres se sont ainsi tenus, depuis le 1er Août, sans le moindre chamboulement. Aucune mesure individuelle significative. « Ghazwani n’est pas pressé, il marque le pouvoir de son empreinte, le changement suivra. Lentement mais sûrement », affirme un ancien ministre d’Ould Taya.
Quoiqu’il en soit, l’actuel statu quo ne peut perdurer indéfiniment. Pour l’intérêt du pays et, donc, du nouveau Président. La déclaration de politique générale du gouvernement a donné l’impression que tout va changer.
En bien. Les mauritaniens en rêvent. Mais ne se satisferont pas de ne faire qu’en rêver, badant aux propos bien léchés d’excellentes intentions…
DL (Le Calame)