Le général Ghazouani, ancien chef d’état-major de l’armée mauritanienne, devrait prendre ses fonctions le vendredi 2 aout comme Président de la République. Une occasion historique pour la Mauritanie de prendre un nouveau départ.
Au sein des élites maures, au pouvoir depuis l’indépendance de la Mauritanie, un quasi consensus est apparu, ces derniers mois, pour conseiller au président Aziz, en fonctions depuis 2008, de ne pas briguer un nouveau mandat. Au sein même des forces armées qui traditionnellement dans ce pays font et défont les présidents, de nombreuses voix s’étaient font entendre également dans le même sens.
Enfin la montée de la contestation interne, qu’incarne entre autres le leader anti esclavagiste Biram, élu député en septembre 2018 mais dont le mouvement est jusqu’à aujourd’hui réprimé férocement, a provoqué une une solidarité au sein d’une opposition unie et, une fois n’est pas coutume, très déterminée contre le pouvoir.
C’est dans ces conditions que le général Ghazouani, fidèle compagnon d’Aziz mais personnalité ouverte et discrète, fut placé en orbite par le président sortant lui même pour le remplacer. « Le plan d’Aziz, confie un diplomate occidental, est d’imposer à Ghazouani de démissionner dans un ou deux ans. Et il espère qu’il ne lui restera plus qu’à reprendre ses fonctions actuelles, avec la garantie que le Conseil Constitutionnel où il a fait nommer un de ses proches défendra la légalité d’un pareil jeu de chaises musicales ». A la façon dont Poutine avait pu placer en 2008 Dmitri Medvedev, son Premier ministre, à la tète de la Fédération de Russie.
Une tutelle encombrante
La manœuvre ne sera pas aisée. Le général Ghazouani en effet bénéficie de nombreux atouts qui devraient lui permettre se débarrasser dune tutelle encombrante et de travailler à la réconciliation nationale.
Première qualité, ce haut gradé a toujours entretenu d’excellentes relations avec les Etats Unis et le Maroc- Ce qui devrait rééquilibrer la situation diplomatique de la Mauritanie qui sous le règne d'Aziz penchait vers le voisin algérien et arrondissait ses fins de mois grâce aux subsides des Séoudiens et des Emiratis.
Ensuite, Ghazouani bénéficie d’un large consensus au sein de l’armée mauritanienne, la colonne vertébrale du pouvoir depuis l’indépendance. Ce qui n’était plus le cas d’Aziz qui avait nommé à la tète du Basep, la garde prétorienne du pouvoir, son propre garde du corps, pour se prémunir de toute déstabilisation venue de sa propre armée.
Un ancrage tribal fort
Enfin les origines et le parcours du général Ghazouani en font une personnalité respectée bien au delà du cercle clanique et affairiste qui entoure aujourd’hui la présidence. En privé, des personnalités de l’opposition espèrent une telle promotion du général Ghazouani. Jusqu’au sein du parti islamiste Tawassoul, arrivé en tête de l’opposition lors du dernier scrutin législatif de septembre et le soutenait lors des présidentielles.
« Fils d’un chef spirituel de la tribu maraboutique Ideiboussat, des Berbères à qui l’on prête des pouvoirs mystiques, écrit le site du « Point Afrique », il est réputé pour sa discrétion mais aussi pour bénéficier de l’influence également discrète mais grande de sa tribu très active dans les questions religieuses, le soufisme notamment, mais aussi dans le commerce de véhicules, de thé, de tissus et de céréales ». Cet ancrage tribal fort qui légitime son accession au pouvoir lui donne l’assise pour mener les réformes sociales dont la Mauritanie a besoin.
Une nouvelle ère
Les qualités du nouveau président mauritanien ne manqueront pas de ternir, s’il arrive au pouvoir, le bilan et l’image de son prédécesseur. Ce qui pourrait expliquer qu’il doive affronter le combat d’arrière garde des fidèles d’Aziz décidés à conserver la réalité du pouvoir.
Si le nouveau président cède aux pressions d’un clan discrédité, son pouvoir sera d’emblée fragilisé dans une conjoncture économique rendue difficile par les années de corruption et de prédation. S’il s’affranchit de son mentor qui l’a fait roi, mais pour mieux l’instrumentaliser, une nouvelle ère s’ouvrira en Mauritanie.
Nicolas Beau (Mondafrique)